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L'Histoire de France, de l'Europe & du Monde

Au VIIIe siècle, le monde franc est divisé en trois grands ensembles formant trois royaumes : l’Austrasie autour de Metz, la Neustrie autour de Paris et la Bourgogne autour de Châlons. Dagobert est le dernier roi mérovingien, de 629 à 639, qui parvient à réunir ces trois royaumes. Les rois qui lui succèdent, surnommés péjorativement « rois fainéants », sont pauvres et incapables de s’imposer à l’aristocratie. Le pouvoir effectif revient au maire du palais (un par royaume). Les Pippinides finissent par devenir maires du palais des trois royaumes après 687. En 751, Pépin le Bref mène un coup d’Etat à Soissons et se fait sacrer par le pape à Saint-Denis en 754 tandis que le dernier Mérovingien, Childéric III, est tondu et enfermé dans un monastère.

L’unification carolingienne (751-814)

Un immense royaume

La nouvelle dynastie carolingienne hérite des territoires mérovingiens et entreprend une politique de conquêtes. Pépin poursuit l’oeuvre de son père Charles Martel en stabilisant les régions du Sud de la Gaule. Deux campagnes sont menées en Septimanie en 752 et 759 pour chasser les musulmans. De 760 à 768, Pépin entreprend de soumettre l’Aquitaine tenue par le duc Waïfre. Le premier roi carolingien meurt en 768, et, fidèle à la coutume des Francs, partage le royaume entre ses deux fils : Charles et Carloman. Les deux frères ne s’entendent pas, entrant en compétition pour tenir la première place. En 771, Carloman meurt, laissant à Charles l’ensemble de l’héritage de Pépin. Personnage décrit comme intelligent, d’une taille élevée, doté d’un esprit curieux (il s’intéresse aux sciences et aux arts), Charles est surtout un grand chef de guerre. Il soumet l’Aquitaine de 760 à 768, la Provence et la Bavière en 788 ; la Saxe est conquise de 772 à 799 ; Charles devient roi des Lombards en 774 après une campagne menée à la demande du pape ; le royaume avar (Europe centrale) est capturé en 796 ; enfin, l’extrême nord-est de l’Espagne (future « Vieille Catalogne ») est conquis avec la prise de Barcelone en 801 mais le bilan espagnol reste mitigé (défaite de Roncevaux, dans les Pyrénées, en 778).

A la fin du VIIIe siècle, Charles est devenu l’arbitre du monde occidental. Le pape Léon III a reconnu le protectorat des Francs et se tourne plus volontiers vers le royaume franc que vers l’Empire byzantin. Suite à une conjuration regroupant des membres de l’aristocratie romaine en 799, le pape se rend en Saxe pour implorer l’aide de Charlemagne. Celui-ci prend le chemin de Rome pour juger le différend qui oppose le pontife et ses adversaires. Après une enquête, il déclare Léon III lavé de tout soupçon. Deux jours plus tard, il est proclamé « empereur des Romains » et couronné par le pape le 25 décembre de l’année 800. Le royaume devient un Empire.

Au début du IXe siècle, Charlemagne entend partager son Empire comme ses prédécesseurs. Mais à sa mort en 814, il ne lui reste plus qu’un fils survivant, Louis le Pieux, qui lui succède en tant qu’empereur jusqu’en 840.

Le gouvernement carolingien

Le gouvernement carolingien s’inscrit au départ dans la continuité du gouvernement du maire du palais. Charlemagne tente de le faire évoluer dans le sens d’une organisation plus romaine et plus efficace. La capitale est fixée à Aix-la-Chapelle. L’organisme qui ressemble le plus à un début d’administration centrale est la Chapelle qui réunit des clercs rédigeant les décisions royales (sous forme de capitulaires, de diplômes). La Cour (encore itinérante) est composée de grands officiers et de conseillers, laïcs et clercs. Le plaid général (placitum generale), grande assemblée annuelle où Charlemagne fait approuver ses décisions par les grands du royaume (laïcs et ecclésiastiques), répond au souci d’unifier le territoire.

Au niveau local, le comte, à la tête d’une circonscription territoriale, est le représentant de l’empereur. Il y a environ 300 comtés dans le royaume, chacun dirigé par un comte, lequel fait exécuter les lois, convoque l’armée (l’ost), lève les impôts et rend la justice. Afin d’éviter que ces agents ne deviennent des despotes locaux, Charlemagne renforce l’institution des missi dominici, envoyés royaux disposant d’un pouvoir supérieur à celui du comte, circulant par deux ou trois (souvent un comte et un évêque), chargés d’inspecter les comtés, d’enquêter sur les abus et de proposer des sanctions. En outre, Charlemagne met en place le système de vassalité pour renforcer la fidélité des grands et demande un serment d’obéissance à tous les hommes libres de l’Empire.

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Charlemagne et ses comtes au palais (Bible de Charles le Chauve, IXe siècle).

L’unité de la foi chrétienne

Le roi franc s’appuie sur les églises et les monastères pour consolider son pouvoir. Dans les régions nouvellement conquises comme la Saxe, les clercs sont de relais du pouvoir. La politique de conquête se double aussi d’une politique de christianisation : un réseau d’églises et de monastères est mis en place sur les nouveaux territoires.
Par ailleurs, une réforme ecclésiastique est entreprise. Le capitulaire Admonitio Generalis de 789 oblige chaque évêché à posséder une école afin de former les prêtres du diocèse, tente de moraliser les moeurs du clergé et demande une plus grande production de livres. Certains scribes de l’abbaye de Corbie mettent au point vers 770, à partir d’une minuscule anglo-saxonne, une lettre minuscule ronde (minuscule caroline) rendant la calligraphie plus claire et plus nette. Les bibliothèques monastiques d’Occident se remplirent de textes latins.
La puissance matérielle de l’Eglise est renforcée par la création de la dîme (VIII-IXe siècle) qui oblige à verser un dixième de ses productions à l’Eglise. Une immunité est instaurée pour les domaines propres de l’Eglise : il est interdit pour les agents publics d’y pénétrer. L’abbé y remplace le comte.

Louis le Pieux et la difficile conservation de l’Empire chrétien (814-840)

La réorganisation de l’Empire

A la mort de Charlemagne en 814, Louis est le seul héritier mais il doit néanmoins organiser une véritable « marche » sur Aix-la-Chapelle, n’y ayant séjourné et craignant que les anciens conseillers de Charlemagne ne l’empêchent d’accéder pouvoir. Louis se décide à chasser un certain nombre de conseillers (remplacés par des hommes de confiance) et ses sœurs ayant donné naissance à des enfants illégitimes avec des concubins pouvant représenter une menace éventuelle. Les nouveaux conseillers promeuvent l’idée d’un Empire indivisible et universel, volonté qui se manifeste par l’imposition en 817 de la règle bénédictine à tous les monastères d’Occident.
Dès juillet 817, Louis convoque à Aix une assemblée des grands (l’Ordinatio imperii) dans le but de régler le problème de sa succession. L’empereur souhaite trouver un compromis entre l’idée de l’Empire indivisible et celui de royauté franque qui partage les territoires entre les héritiers. Charlemagne, avant la mort de ses fils Charles et Pépin, avait prévu un partage des territoires conformément à la tradition franque, le titre impérial n’étant pas destiné à lui survivre. Louis a une autre conception de l’Empire : il rejette ainsi les titres de « roi des Francs » et « roi des Lombards » pour ne garder que celui d’ « empereur auguste ». Les grands finissent par élire Lothaire, le fils aîné de Louis,successeur de l’empereur, immédiatement couronné. Ses deux frères Pépin et Louis reçoivent en guise de consolation deux royaumes subordonnés, respectivement l’Aquitaine et la Bavière. Pépin et Louis porteront le titre de roi mais resteront sous l’autorité de Lothaire (la Bavière et l’Aquitaine ne sauraient être que des provinces de l’Empire).

Une nouvelle conception de gouvernement

Le pouvoir impérial sous Louis le Pieux évolue peu à peu vers un pouvoir théocratique, l’Etat et l’Eglise ayant fusionné. Louis se place dans la lignée de Théodose, l’empereur romain ayant fait du christianisme la religion officielle de l’Empire. Dans le capitulaire de 823-825, Louis assimile la fonction royale à un ministère où il associe tous ceux qui exercent une charge publique concédée par le roi (honor) : l’Etat ne se résume plus à l’empereur. Dans ce capitulaire apparaît aussi la supériorité théorique du pouvoir épiscopal sur le pouvoir royal. Les évêques sont dits à l’origine du pouvoir tandis que l’empereur ne fait que l’exercer. Cette évolution de la conception du pouvoir, qui amoindrit l’empereur, ne peut que conduire à l’affaiblissement du pouvoir impérial.

Les dernières années du règne de Louis le Pieux

Les dix dernières années de Louis le Pieux sont marquées par une grave crise politique caractérisée par des révoltes successives de ses fils. Les premières difficultés proviennent de la naissance d’un quatrième fils légitime, Charles, en 823 du mariage de Louis et Judith. En 829, lors d’une assemblée générale qui se tient à Worms, Louis remet en cause le partage de 817 et affirme prévoir un territoire comprenant le pays alaman, la Rhétie, l’Alsace et la Bourgogne pour le nouveau prince. Ces territoires sont pris sur l’héritage de Lothaire même si Charles devra lui être soumis, comme Pépin et Louis. Cette décision s’accompagne de la fin de l’association au pouvoir de Lothaire, lequel est envoyé en Italie. La révolte gronde : le fils aîné n’a pas de mal à rassembler autour de sa personne des clercs et des grands mécontents du nouveau partage. En avril 830, Lothaire, Louis et Pépin font alliance contre Judith et Charles afin de libérer l’empereur de leur influence « néfaste ». Lothaire prend le pouvoir mais Louis le Pieux parvient à retourner Pépin et Louis contre leur frère aîné en leur promettant d’abolir l’Ordinatio. En 831, Lothaire doit repartir en Italie et Louis prévoit de partager l’Empire entre ses trois autres fils, abandonnant l’idée d’unité, ce qui mécontente les clercs. Les deux fils ne sont pas satisfaits du nouveau partage qui prévoit un tiers des territoires à Charles. Dans ces conditions, Lothaire entre à nouveau en révolte aux côtés de ses frères en 833, soutenu par le pape et les évêques. L’empereur est battu près de Colmar et destitué de son titre impérial par les évêques. Réinstauré dans son titre en 834 par ses fils Louis et Pépin, Louis le Pieux renvoie Lothaire en Italie et cherche à rétablir un consensus autour de la question de la succession. Mais il est trop tard, chacun des fils ayant pu pendant leurs guerres former leurs réseaux de clientèle. Louis le Pieux meurt en 840 (deux ans après son fils Pépin) laissant l’Empire au bord d’une guerre civile.

La dislocation de l’Empire (840-888)

La guerre civile et le partage de Verdun

A la mort de Louis le Pieux, Charles le Chauve et Louis le Germanique s’allient immédiatement contre leur aîné, l’empereur Lothaire, qui entend réunir sous sa direction l’ensemble de l’héritage selon l’Ordinatio de 817. Lothaire est écrasé à Fontenoy-en-Puisaye (841) par les partisans de Charles et Louis. Les deux frères décident de sceller une entente durable pour venir à bout de leur ennemi : lors du serment de Strasbourg (février 842), ils jurent de se porter aide et assistance contre Lothaire. Celui-ci prend conscience qu’il ne pourra pas venir à bout de ses deux frères et se résigne à traiter. Après plus d’un an de négociations, les trois frères s’entendent sur un partage des territoires de l’Empire, ratifié à Verdun en août 843. Charles reçoit la Francia occidentalis, Louis la Francia orientalis tandis que Lothaire conserve la Francia media, berceau de l’Empire carolingien, abritant Rome et Aix-la-Chapelle, mais englobant des territoires très disparates difficiles à gouverner.

Les nouvelles invasions

La crise est renforcée par l’arrivée d’une seconde vague d’invasions qui s’abat sur l’Europe à partir des années 830-840. Au Sud, les souverains carolingiens doivent faire face à la poussée musulmane. Si l’invasion terrestre a été définitivement stoppée au VIIIe siècle, la piraterie arabe se développe en Méditerranée et les razzias se multiplient (conquête de la Sicile de 827 à 902, mise à sac d’Arles en 842, attaque de Rome en 846).
A l’Est, les Hongrois (ou Magyars), venus des hauts plateaux d’Asie, s’installent en Pannonie vers 895. A partir de là, ils lancent des raids dévastateurs durant la première moitié du Xe siècle dans l’Europe occidentale, pillant les monastères et rançonnant les villes. Ils sont finalement écrasés à la bataille du Lechfeld (955) par le roi de Germanie Otton Ier.
Au Nord, les Vikings s’engagent dans des expéditions qui vont les mener dans toute l’Europe. Grâce à une grande supériorité technique en matière navale et leurs drakkars pouvant transporter jusqu’à une centaine d’hommes chacun, ils lancent des raids très rapides qui rendent inefficace l’armée carolingienne. Quentovic est prise, pillée et brûlée en 842, Nantes en 843, Bordeaux en 844 et en 847-848, Hambourg en 845 (etc.). Les Vikings entreprennent une colonisation et occupation des territoires (occupation de la Northumbrie en 876, l’éphémère Etat normand de Rollon en 911). Seul le royaume de Francia orientalis semble peu touché.

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Bateau normand du XIe siècle (tapisserie de Bayeux).

L’aristocratie face au pouvoir royal

La seconde moitié du IXe siècle voit aussi la montée en puissance de l’aristocratie. Le système vassalique mis au point par Charlemagne se retourne contre le pouvoir royal. A la fin du IXe siècle, le roi n’a presque plus de terres fiscales : les vassaux n’ayant plus rien à attendre de leur souverain, ils s’en détournent. L’hérédité des charges s’impose à partir de 877 (capitulaire de Quierzy), le roi ne pouvant plus récupérer ses biens fiscaux à la mort du détenteur puisque le lignage familial s’y oppose. Le pouvoir local (comtes et ducs) se montre aussi bien plus efficace contre les raids (défense de Paris contre les Vikings par le duc Eudes en 885). Des châteaux sont dressés malgré l’interdiction royale (édit de Pîtres, 864). Les comtes deviennent les protecteurs des populations locales et tirent leur légitimité de la lutte contre les envahisseurs vikings, sarrasins ou magyars. Les princes s’enracinent localement. A la fin du IXe siècle apparaissent les premières sécessions à la périphérie de l’Empire : l’Italie du Sud est définitivement perdue après la mort de Louis II d’Italie (875) ; à l’Ouest les grands d’Aquitaine sont en rébellion ouverte contre le roi carolingien depuis 878 ; à l’Est, la marche au-delà de l’Elbe sort de l’Empire ; au Sud, Boson se fait reconnaître roi de Provence en 879 ; au Nord, une bonne partie de la Frise tombe sous la coupe des Danois (884).
En 888, ce sont les grands du royaume de Francia occidentalis qui choisissent leur roi, Eudes, comte de Paris. Cette élection porte un coup décisif à l’oeuvre de Charlemagne : l’Empire carolingien est mort. Au Xe siècle, de lointains descendants des Pippinides continueront à régner sur des royaumes plus ou moins étendus mais l’Empire carolingien a vécu.

Bibliographie :
Balard, Michel ; Genet, Jean-Philippe ; Rouche, Michel. Le Moyen Âge en Occident. Hachette supérieur, 1999.
Berstein, Serge ; Milza, Pierre. De l’Empire romain à l’Europe. Ve-XIVe siècle (Tome 2). Hatier, 1995.
Bührer-Thierry, Geneviève. L’Europe carolingienne (714-888). Armand Colin, 2001.
Heers, Jacques. Précis d’histoire du Moyen Âge. PUF, 1990.

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