Le renversement du roi Louis XVI, le 10 août 1792, conduit à la proclamation de la République les 21 et 22 septembre. La rivalité des groupes politiques, la guerre à l’extérieur, des soulèvements à l’intérieur mènent à une politique de Terreur qui ne s’achèvera qu’avec l’exécution de Robespierre (27 juillet 1794). Les vainqueurs (Thermidoriens) puis le Directoire (1795-1799) chercheront à stabiliser la Révolution et mettre en place un régime durable fondé sur les acquis révolutionnaires. Mais c’est Napoléon Bonaparte, après le coup d’État du 18 Brumaire, qui parvient à mettre fin à la Révolution avec le Consulat, à la grande satisfaction d’un peuple français qui entourera son « sauveur » de ses sympathies.
La République assiégée (1792-1795)
La patrie en danger
Dès lors que la monarchie est abolie, la personne du roi devient encombrante et son procès s’ouvre le 11 décembre. Robespierre donne le ton : « Louis doit mourir, parce qu’il faut que la patrie vive ». Le 18 janvier, le résultat définitif des votes de la Convention est donné : 387 voix pour la peine de mort, 46 pour la mort assortie de diverses conditions (date, sursis,…), 288 pour la détention (la « petite voix de majorité » étant une légende fabriquée par les royalistes). Le 21 janvier 1793, Louis XVI est guillotiné sur la place de la Révolution (actuelle place de la Concorde).
Exécution du roi Louis XVI (21 janvier 1793). Gravure d’après dessin de Fious.
Le contexte extérieur pousse à la radicalisation politique. Après la bataille de Valmy (20 septembre 1792), les armées françaises passent à l’offensive. Le général Dumouriez remporte la victoire de Jemmapes qui lui ouvre les portes de la Belgique. La Belgique, Nice et la Rhénanie sont rattachées à la France. Cependant, la pression s’accentue : les souverains européens forment une coalition au printemps 1793 composée des princes italiens et du roi de Sardaigne, des princes allemands, de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Prusse, de la Hollande, de l’Espagne et de la Russie. Les généraux français enchaînent défaites sur défaites, et Dumouriez passe chez l’ennemi.
Les Girondins au pouvoir se refusent à prendre les mesures extrêmes que réclament Robespierre et les Montagnards. Pour leur incapacité à conduire une guerre qu’ils ont déclenché, les députés girondins sont arrêtés par les Montagnards avec l’appui de la garde nationale parisienne (2 juin 1793). Dès lors, les Robespierristes mettent tout en uvre pour défendre la Révolution et ses acquis.
La guerre civile et la Terreur
La Vendée, hostile à la levée en masse de 300 000 hommes par la Convention pour défendre les frontières, se révolte, ainsi que les départements du Sud-Ouest et de la Normandie. Plusieurs villes sont touchées par des insurrections contre-révolutionnaires comme Lyon, Marseille et Toulon.
Une politique de terreur est mise en place pour écraser les ennemis de l’intérieur. Le Comité de salut public formé durant le printemps 1793 impulse la politique de la Convention. Le Comité de sûreté général, créé par l’Assemblée législative durant l’été 1792, organise les opérations de surveillance (visites domiciliaires, arrestations, mises en liberté, envoi au Tribunal révolutionnaire). Le Tribunal révolutionnaire, mis en place le 10 mars 1793 à Paris, est chargé de juger les crimes « contre-révolutionnaires ». La Terreur atteint son paroxysme fin 1793 et en 1794 : les juges ne peuvent prononcer que l’acquittement ou la mort (sans peine intermédiaire), les accusés n’ont plus droit à des défenseurs, et le recours aux témoins est refusé (sauf à charge). Du 10 juin 1794 au 27 juillet, soit en six semaines, 1376 captifs sont envoyés à la guillotine.
La fin de la dictature montagnarde
Sur le front, la situation se rétablit au printemps 1794. Les armées de métier des souverains européens, habituées à une guerre menée habilement sur le plan tactique, se mettent à reculer devant les masses de jeunes hommes enthousiastes jetées à leur face par des généraux français qui se soucient peu des pertes humaines. La victoire de Fleurus (26 juin 1794) ouvre les portes de la Belgique à la France. La Prusse, la Hollande, l’Espagne et la Russie se retirent de la coalition. En Vendée, le soulèvement est durement réprimé fin 1793-début 1794 au prix de 100 000 à 300 000 morts vendéens.
Dès lors, la politique de la Terreur ne se justifie plus. Dans un climat de suspicion générale et de crainte d’une nouvelle épuration, Robespierre est renversé le 27 juillet 1794 et guillotiné le lendemain, ainsi que ses proches fidèles.
Ce que l’on nomme dès lors la Convention thermidorienne tente de sortir de la logique de la Terreur. Elle réintègre les Girondins non-guillotinés et rétablit la liberté de la presse, laquelle profite surtout aux journaux de droite, dont les royalistes. Les leaders jacobins aux sympathies montagnardes sont arrêtés, et deux insurrections populaires protestant contre cette politique sont mâtées (avril-mai 1795). Deux soulèvements royalistes sont également écrasés : un débarquement à Quiberon (juin-juillet 1795) et une insurrection à Paris (octobre 1795).
Le Directoire (1795-1799)
La mise en place d’un nouveau régime
La Constitution de l’an III, adoptée par référendum avec une très faible participation, est proclamée le 23 septembre 1795 (1er vendémiaire an IV). Le pouvoir législatif est divisé pour la première fois entre deux Chambres : le Conseil des Cinq-Cents (qui a l’initiative et le vote des projets de loi) et le Conseil des Anciens (qui approuve ou rejette les projets, propose d’éventuelles révisions constitutionnelles). Ces deux Chambres sont élues au suffrage censitaire pour trois ans et renouvelables par tiers chaque année. L’exécutif, partagé pour éviter toute dérive dictatoriale, est l’apanage d’un Directoire composé de cinq membres élus pour 5 ans par le Corps législatif, et renouvelables par cinquième chaque année, non rééligibles avant cinq ans. Les premiers directeurs sont Lazare Carnot, Paul Barras, Jean-François Reubell, Louis-Marie de La Révellière-Lépeaux et Louis François Letourneur, issus de sensibilités politiques différentes voire contradictoires.
Les costumes des membres du Directoire exécutif de la République française (an VI).
Bonaparte et la campagne d’Italie
Si la première coalition s’est disloquée, il reste face à la France deux grandes puissances : l’Angleterre et l’Autriche, renforcées des princes italiens. Les généraux Jourdan et Moreau convergent sur Vienne par des itinéraires allemands pendant que Bonaparte se charge de conduire une diversion en Italie. L’échec des deux premiers donne le rôle principal au dernier. On doit constater que les « généreux » principes qui avaient servis de prétexte à la guerre ont été « oubliés » : tout d’abord avec la signature de la paix avec les « tyrans » pour dissoudre la première coalition, et ensuite avec le principe de la guerre pour alimenter la guerre : en effet, Bonaparte, avec sa politique de réquisition, devient le grand fournisseur de fonds du Directoire. Bonaparte enchaîne les victoires lors de la campagne d’Italie (Castiglione, Arcole, Bassano, Rivoli,…). Une fois les princes italiens vaincus, Bonaparte peut se diriger vers l’Autriche qui demande alors la paix (octobre 1797).
Bonaparte néglige les avis de la diplomatie française et s’institue protecteur d’une République cisalpine où il installe son épouse Joséphine de Beauharnais. Il se montre cependant trop indépendant pour ne pas s’attirer les foudres du Directoire. Souhaitant laisser le Directoire se discréditer, il demande qu’on lui confie une expédition chargée de conquérir l’Égypte afin de couper l’Angleterre des Indes. Le Directoire acceptant sa suggestion, il embarque le 19 mai 1798.
Le déclin et la chute du Directoire
Le Directoire, qui cherche à éliminer les extrêmes pour stabiliser la Révolution, n’est soutenu ni par les Jacobins, ni par les royalistes. Au gré des élections, les directeurs, responsables de l’élimination des Robespierristes, des Hebertistes et pour la plupart régicides, recourent à des mesures illégales pour garder le pouvoir, se mettant à mener une politique des coups d’État. Ainsi, les élections de mars 1797 qui voient le triomphe des royalistes sont suivies d’une épuration anti-royaliste sous prétexte d’un « complot », et d’une invalidation des élections.
Devant la propagation galopante des idées révolutionnaires, les souverains européens forment une seconde coalition en 1799 et remportent quelques succès militaires mais de courte durée. Les premières défaites françaises entraînent le retour en France d’un Bonaparte avide d’exploiter le discrédit du Directoire. Quand il arrive à Toulon en octobre 1799, bien que la situation militaire ait été rétablie, il n’a aucune peine à se débarrasser d’un régime qui a lassé les Français : il peut même compter, pour réaliser son coup d’État, sur la complicité de deux Directeurs (Sieyès et Roger-Ducos) et la neutralité d’un troisième (Barras) sur les cinq.
Avec le coup d’État du 18 Brumaire an VIII (9 novembre 1799), Bonaparte met fin à dix ans de révolution. Il va pouvoir codifier l’apport révolutionnaire et consolider son pouvoir.
Le Consulat (1799-1804)
Un régime autoritaire
Installation du Conseil d’État au Palais du Petit-Luxembourg le 25 décembre 1799 (Couder, 1856).
Le nouveau régime du Consulat, bien que se réclamant des principes révolutionnaires, constitue en fait la première phase de l’autocratie bonapartiste. La nouvelle Constitution de 1799 (an VIII), même en rétablissant le suffrage universel, utilisé pour la première fois en septembre 1792 lors des élections à la Convention, interdit le moindre caractère représentatif dans les 4 assemblées (Conseil d’État, Tribunat, Corps législatif et Sénat). Le pouvoir exécutif est confié à trois Consuls mais seul le premier détient le privilège de nommer les ministres et les fonctionnaires, de proposer les lois, de diriger la diplomatie et commander l’armée.
Bonaparte se donne pour tâche de réorganiser la France et de terminer la Révolution. En 1802, Bonaparte peut profiter de l’appui bienveillant d’un peuple qui le nomme « Consul à vie » lors d’un plébiscite. Deux ans plus tard il est fait empereur des Français sous le nom de Napoléon Ier, ce qui inaugure l’Empire, régime réalisant la synthèse entre les principes révolutionnaires et monarchiques.
La réconciliation nationale
Dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte s’emploie à mettre un terme à la Révolution par une politique de réconciliation nationale. Il donne des premiers signes d’apaisement au niveau religieux : le serment de haine à la royauté demandé au clergé depuis septembre 1797 est supprimé, les mesures de déportation contre les prêtres réfractaires sont abandonnées et la réouverture des églises est autorisée tous les jours y compris le dimanche. La réconciliation avec le Saint-Siège est faite avec le Concordat signé le 15 juillet 1801 (26 messidor an IX). La papauté reconnaît implicitement la légitimité du nouveau pouvoir en France et ne revient pas sur la vente des biens nationaux ; en échange le Saint-Siège récupère l’investiture canonique comme sous les Bourbons : les évêques sont nommés par le Premier Consul et investis par le pape. Pour faire table rase du passé, le Concordat demande la démission de tous les évêques français, réfractaires comme constitutionnels.
A partir du coup d’État du 18 Brumaire, la France accueille sans trop de difficulté tout émigré à condition que celui-ci accepte le régime en place. Les biens nationaux encore invendus sont retirés de la vente et restitués. Le 26 avril 1802, une amnistie est octroyée à tous les émigrés n’ayant pas porté les armes contre la France, à condition de prêter un serment de fidélité devant le préfet. Dès lors, toutes les carrières leur sont ouvertes. Ainsi, Nicolas Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux en 1789, ayant vécu en Grande-Bretagne à partir de 1795, est nommé archevêque d’Aix dès avril 1802, deux mois après son retour en France.
Les grandes réformes du Consulat
Bonaparte mène une série de réformes : l’administration est centralisée, le mode de prélèvement de la fiscalité est rendu plus efficace (un corps de fonctionnaires en est chargé), une nouvelle monnaie, le franc, garantie sur l’or, est instaurée et son émission confiée à la Banque de France (créé en 1800). Les lycées sont créés, destinés à inculquer à leurs élèves l’amour de l’ordre, la discipline, et le sens du devoir, pour former les futurs fonctionnaires. L’ordre nouveau de la Légion d’Honneur est instauré afin de récompenser les services éminents rendus à la Nation.
Pour maintenir la solidité du Consulat, Bonaparte entend s’appuyer sur la bourgeoisie, classe puissante qui a renversé l’Ancien Régime. Le Code Civil, destiné à unifier les anciennes lois d’Ancien Régime et les nouveaux textes votés parfois à la hâte par les révolutionnaires, est promulgué en 1804. La bourgeoisie est satisfaite par ce texte qui confirme les grands principes de 1789, notamment l’inviolabilité de la propriété.
Poursuivant l’effort militaire, Bonaparte disloque la seconde coalition en signant la paix d’Amiens (1802) qui traduit la victoire de la Révolution française en Occident.
C’est cette synthèse napoléonienne de la monarchie et de la Révolution qui va être propagée en Europe : autoritarisme et centralisation d’Ancien Régime et idées révolutionnaires nouvelles. Le continent européen va se trouver bouleversé par Napoléon, agent de sa modernisation, durant la dizaine d’années qui va suivre.
Bibliographie :
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, Histoire de l’Europe. Tome 3. États et identité européenne (XIVe siècle-1815), Paris, Hatier, 1994.
BIARD Michel, BOURDIN Philippe, MARZAGALLI Silvia, Révolution, Consulat, Empire, 1789-1815, Paris, Belin, 2010.