Le XVIe siècle est un siècle de bouleversements dans la pensée et les arts. Remettant en question les vérités admises au Moyen Âge, l’humanisme cherche à redécouvrir les valeurs de l’antiquité pour les concilier avec le Christianisme. Porté par l’imprimerie, ce courant se diffuse dans l’Europe, créant une « République des lettres ». De ce courant dérive un mouvement artistique, motivé par la recherche du beau, reflet de la perfection divine, qui naît au XVe siècle à Florence grâce au soutien de mécènes. Toute l’Europe est gagnée par cette nouvelle forme d’art en particulier la France de François Ier. En 1550, le peintre toscan Giorgio Vasari dit bien que nous avons affaire à une Renaissance ; même si l’héritage du Moyen Âge continue à être présent. L’humanisme jette les bases d’idées futures : la valeur de l’Homme et le rôle de l’éducation.
Le foyer italien
La naissance de l’humanisme
L’humanisme est un mouvement esthétique, philosophique, religieux, apparu en Italie au milieu du XVe siècle, qui met la dignité de l’Homme en valeur. La vie intellectuelle échappe aux clercs pour devenir l’apanage des laïcs cultivés. Le poète florentin Dante (1265-1321) est l’une des premières figures de l’humanisme. Le mouvement, prenant naissance aux XIII-XIVe siècle, s’érige en réaction au Moyen Âge qualifié de « gothique » ou encore de « barbare ». Il prend sa source dans la redécouverte de l’Antiquité : si le Moyen Âge n’ignorait pas la culture antique, il n’en avait qu’une vision partielle, tronquée. Les humanistes tentent de retrouver la pureté des textes anciens, dégagés des commentaires superflus des lettrés médiévaux. En Italie, Pétrarque (1304-1374) et Boccace (1313-1375) sont deux figures majeures illustrant ce retour aux sources. Un travail philologique (étude de la langue) est effectué sur les textes antiques. Dans un certain nombre de villes italiennes, comme Florence ou Venise, se constituent des cercles d’intellectuels humanistes et des fouilles archéologiques sont même effectuées pour retrouver des traces du passé.
Les maîtres byzantins, qui affluent en nombre avant et après la chute de Constantinople (1453) par les Turcs, apportent avec eux des manuscrits et font progresser la connaissance du grec. Platon, oublié au Moyen Âge, est redécouvert (ses dialogues sont traduits en 1421) et les travaux scientifiques grecs (Euclide, Pythagore, Ptolémée,…) sont reconnus. Aristote perd sa prééminence sur le plan intellectuel. La scolastique, mêlant la pensée aristotélicienne et les écritures saintes, théologie et philosophie, foi et raison, est rejetée par l’humanisme à partir du XVe siècle. Les universités connaissent un bouillonnement intellectuel sans précédent. L’université de Padoue accueille de grands esprits comme Copernic, Rabelais ou Budé.
Les positions de l’humanisme
L’humanisme est un nouvel esprit scientifique. Les savants commencent peu à peu à se détacher de la science antique et des avancées importantes ont lieu dans les mathématiques, en astronomie, en physique, en chimie et dans les sciences naturelles. Une véritable démarche scientifique se met progressivement en place.
L’humanisme est aussi un nouvel art de vivre et de gouverner. Le bon prince est celui qui oeuvre pour le bien commun. Les humanistes, posant en postulat la bonté naturelle de l’Homme, cherchent l’émergence d’un homme d’élite : un homme de savoir sachant tout sur les livres, et artiste; doublé d’un homme d’action et de pouvoir, homme de guerre et diplomate.
L’humanisme est enfin une théologie. Tous les humanistes restent chrétiens et la figure centrale du mouvement est le Christ. Les humanistes, qui réclament un accès direct à la parole sainte, dénoncent une Eglise catholique trop étouffante ainsi que ses multiples abus. Leur religion est intellectualisée. Cette tentative de réforme de l’Eglise de l’intérieur est vouée à l’échec comme en témoignera l’éclosion du protestantisme.
La renaissance artistique italienne
La Renaissance est la matérialisation de l’humanisme. L’Italie en constitue le laboratoire : l’héritage antique y est très important comme en témoignent les statues et monuments encore debout.
Le centre dominant est Florence, en Toscane, avec la famille des Médicis, où l’on trouve les premiers théoriciens de l’art.
- L’architecture y est dominée par la figure de Filippo Brunelleschi, auteur du dôme de la cathédrale de Florence.
- La sculpture voit émerger Donatello, influencé par l’Antiquité, qui marque la rupture avec le gothique.
- En peinture, Masaccio annonce les coloristes que sont le dominicain Fra Angelico et le carme Filippo Lippi.
L’éclat de l’école florentine rejaillit sur toute la péninsule. Les artistes florentins, appelés dans les cours princières et les grandes villes italiennes, diffusent la Renaissance florentine.
La Renaissance italienne est marquée surtout par les figures centrales que sont Botticelli (le Printemps, La naissance de Vénus) et Léonard de Vinci, deux peintres marqués par la philosophie néo-platonicienne et proches de Médicis. Symbole de l’Humanisme et de la Renaissance, Léonard de Vinci, né à Florence en 1452, apparaît comme un génie universel. Peintre inventant la technique du sfumato, caractérisée par une brume légère enveloppant les formes et donnant une sensation de douceur (La Vierge aux Rochers ou la Joconde), il ébauche également les lois de la mécanique, de la chimie, de la géologie, tente d’analyser le fonctionnement du corps humain, invente de stupéfiantes machines qui utilisent la force hydraulique ou la vapeur, construit des canaux et imagine des machines volantes.
La Naissance de Vénus par Botticelli (vers 1485).
A la fin du XVe siècle, l’art nouveau s’épanouit dans toutes les régions d’Italie. Mais cet épanouissement de l’art ne constitue pas encore l’âge d’or du XVIe siècle, qui voit la Renaissance italienne à son apogée.
Au début du XVIe siècle, les artistes, fuyant les troubles agitant le nord de la péninsule (les guerres d’Italie), se réfugient à Rome, qui devient la nouvelle capitale de la Renaissance italienne. Le chef d’oeuvre de la Renaissance romaine est la construction de la basilique Saint-Pierre (1514). A la même époque, Jules II fait venir à Rome le peintre et sculpteur Michel-Ange, qui peint le magnifique plafond de la Chapelle Sixtine. Cependant, l’éclat du classicisme romain est coupé dans son élan en 1527, lors du sac de Rome par les troupes de Charles Quint. Peu après, la créativité exceptionnelle qui avait caractérisé les débuts de la Renaissance s’essouffle. L’esprit d’invention disparaît pour laisser place à un académisme. L’apparition du maniérisme, qui consiste à imiter les grands artistes de la Renaissance (Michel-Ange, Raphaël ou le Titien), marque la fin de cette Renaissance.
La diffusion en Europe
Les mécanismes de propagation
L’imprimerie, née vers 1450 dans les pays Rhénans grâce à l’utilisation de caractères mobiles, dont la mise au point est traditionnellement attribuée à Gutenberg, joue un rôle décisif dans la diffusion de l’humanisme. Le Psautier est le premier livre imprimé portant une date (1457). Peu après 1450, on compte deux centres d’imprimerie : Mayence et Strasbourg. Vers 1500, 236 villes disposent d’un atelier d’imprimerie. Entre 1450 et 1500, 30 000 titres différents, en 15 millions d’exemplaires, sont publiés dans les presses européennes. Au XVIe siècle, ce sont entre 150 000 et 200 000 titres, correspondant à 150 millions d’exemplaires, qui sont publiés.
Dans un premier temps, la majorité des ouvrages imprimés sont religieux mais par la suite, leur part diminue. Un certain nombre de textes antiques sont publiés. Le poète latin Virgile connaît 72 traductions en italien, 27 en français.
Le deuxième véhicule de l’humanisme sont les relations entre les érudits du temps, correspondances et voyages, qui permettent la mise en place ce qui s’appelle « la République des lettres », composée de clercs, de religieux, d’enseignants, de médecins, de grands bourgeois, de nobles, de tous ces gens qui cultivent l’érudition. Cette érudition est en particulier symbolisée par le florentin Pic de la Mirandole.
Mais l’impact de l’humanisme aurait été limité s’il n’avait pas trouvé un relais dans l’éducation. Les humanistes croient beaucoup à l’enseignement pour « élever » l’Homme. Ils définissent une nouvelle pédagogie en rupture avec la scolastique médiévale. De nouvelles universités, à programme humaniste, sont créés et d’autres (Vienne, Cracovie, Florence,…) rejoignent le mouvement. Néanmoins, certaines universités, comme celle de la Sorbonne à Paris, restent imperméables aux idées nouvelles.
Les foyers européens de l’humanisme
Le « prince » de cette première Europe intellectuelle est le Hollandais Erasme de Rotterdam (1469-1539). Après un séjour à Paris où il fréquente les cercles intellectuels, ce moine débute une vie d’incessants voyages à la rencontre des humanistes de son temps (John Colet, Thomas More, Alde Manuce,…). De retour à Paris, il publie l’Eloge de la folie. Considéré comme le plus grand intellectuel de son temps, il est l’objet d’une véritable admiration par les érudits qui lui sont contemporains. Il est également auteur d’une édition critique du Nouveau Testament. Son uvre, dans laquelle il dénonce les abus de l’Eglise, ouvrira la porte à la Réforme protestante que pourtant il rejette, la considérant comme une déviation perverse de la pensée humaniste.
En France, l’humanisme se heurte à la prestigieuse université de Paris (la Sorbonne), fermée aux idées nouvelles. A partir des années 1470, le goût italien pour la culture antique gagne peu à peu la France. Lefèvre d’Etaples, philosophe et auteur de traductions de la Bible, est une des grandes figures de la première génération des humanistes français. Guillaume Budé, proche du roi François Ier et de sa soeur Marguerite de Navarre, est à l’origine de Collège des lecteurs royaux, ancêtre du Collège de France. François Rabelais fait la synthèse des courants humanistes français du début du XVIe siècle dans ses romans.
L’humanisme anglais se développe au début du XVIe siècle dans les milieux universitaires d’Oxford et de Cambridge. Le personnage central de cet humanisme anglais est Thomas More, auteur de l’Utopie, qui décrit une société basée sur la raison, dont les politiciens n’ont d’autre but que le bonheur des hommes.
En Espagne, le cardinal Cisneros favorise la rénovation de l’enseignement dans un but religieux. A Alcalà de Henares est publiée une Bible en latin, en grec et en hébreu. Dans la péninsule ibérique se développe un humanisme chrétien, influencé avant tout par Erasme.
L’Europe centrale et orientale connaît également l’influence du courant humaniste. Outre l’Allemagne rhénane, le roi de Hongrie Mathias Corvin s’entoure d’humanistes et la Pologne devient le foyer d’une importante culture néo-latine.
Mouvement européen, l’humanisme n’est cependant pas homogène. La diffusion des idées humanistes révèle des préoccupations diverses. Deux grandes nuances sont distinguées :
- L’humanisme méditerranéen, littéraire, se consacre à l’étude des textes, étant avant tout tournée vers le culte du beau style.
- L’humanisme de l’Europe du Nord (Angleterre, les Pays-Bas et les pays Rhénans), s’attache plus à la pensée qu’au style. Beaucoup plus porté sur les questions religieuses, il cherche un renouveau au christianisme, ce qui aboutira à la réforme protestante.
Les renaissances artistiques
L’art italien et ses merveilles ont été assez rapidement connues en Europe. Les belligérants (Français, Espagnols, Allemands, Suisses) des guerres d’Italie sont fascinés par la beauté de la péninsule qu’ils rêvent d’importer dans leur pays.
C’est en France que l’influence de l’humanisme et de la Renaissance a été la plus forte. Charles VIII, après son expédition italienne (1494) et Louis XII, qui occupe Milan, ramènent en France des artistes italiens. Ces derniers plaquent des éléments de l’art italien sur des édifices gothiques, l’art gothique étant encore flamboyant jusque vers 1520. L’art italien se renforce sous le règne de François Ier (château de Chambord) et s’impose à partir de 1520. Construit et décoré selon le style de la Renaissance, le château de Fontainebleau sert de modèle à l’art nouveau qui triomphe de l’art gothique vers 1540. Un synthèse des apports italiens et de la tradition nationale française donne naissance au classicisme français.
Aux Pays-Bas s’est développée une riche école de peinture dès le début du XVe siècle, à laquelle est due l’invention de la peinture à l’huile. L’influence italienne pénètre peu à peu cette floraison artistique, ce qui donne lieu à un art novateur.
La diffusion de l’art italien est plus difficile en Allemagne, en raison des divisions politiques et religieuses, de l’opposition à Rome et aussi de la vigueur de l’art médiéval en architecture, en sculpture ou en peinture. C’est en Allemagne du Sud que le classicisme italien a une certaine influence. La Renaissance artistique est inséparable de la Réforme avec des artistes comme Albrecht Dürer et Lucas Cranach.
Dans les autres pays d’Europe, l’influence de l’art italien est encore plus faible. Ainsi en Angleterre, la Renaissance se manifeste plus dans la musique et la littérature (Shakespeare) que dans les arts. Quant à la péninsule ibérique, elle s’élève contre l’irruption du paganisme dans l’art.
Bibliographie :
LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, États et identité européenne. XIVe siècle-1815 (Tome 3), Paris, Hatier, 1994.
HÉLIE Jérôme, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.