De la fin de la guerre de Cent Ans à la Renaissance française, quatre rois de France se succèdent : Charles VII (régnant de 1422 à 1461), Louis XI (1461-1483), Charles VIII (1483-1498) et Louis XII (1498-1515). La période voit le renforcement de l’Etat royal qui, d’une monarchie féodale, devient une monarchie nationale moderne. L’Etat sort en effet fortement renforcé de la guerre de Cent Ans, avec des réformes structurelles et un prestige qui haussent la France au rang de première puissance occidentale. Si la construction de l’Etat moderne n’est pas encore achevée à l’aube de la Renaissance, le roi n’a jamais été aussi influent et puissant et son autorité n’est plus discutée par les populations.
La fin de la guerre de Cent Ans (1422-1453)
Jeanne d’Arc : un tournant dans la guerre
A la mort de Charles VI en 1422, la France est divisée en trois zones d’influence. La Normandie, la Guyenne et Calais sont sous domination anglaise ; le territoire compris entre la Bretagne, la Loire, la Normandie et la Champagne est sous l’autorité des officiers anglais et des partisans de la Bourgogne ; enfin, le Sud de la Loire à l’exception de la Guyenne forme le « royaume de Bourges » aux mains du Dauphin.
Jusqu’en 1428, aucun belligérant ne parvient à prendre le dessus, succès et défaites alternant chez chacun. En 1428, les Anglais mettent le siège devant Orléans pour forcer le passage de la Loire. C’est alors que Jeanne d’Arc apparaît. Affirmant avoir reçu des ordres de Dieu, elle rencontre le Dauphin à Chinon le 6 mars 1429 pour lui expliquer sa mission : libérer le territoire. Convaincu, Charles VII lui confie une armée, armée qui parvient à faire lever le siège aux Anglais devant Orléans, puis qui connaît une série de victoires dont la plus retentissante est Patay (18 juin 1429). Le 17 juillet 1429, Charles VII est sacré à Reims. Dès lors, des temps incertains commencent pour l’armée royale qui connaît plusieurs revers. Le 23 mai 1430, Jeanne d’Arc est capturée à Compiègne et livrée aux Anglais ; condamnée pour hérésie et idolâtrie par un tribunal ecclésiastique, elle est brûlée vive à Rouen (30 mai 1431). Malgré la disparition de « la Pucelle d’Orléans », l’élan français se poursuit. Les victoires de Jeanne d’Arc, si elles n’ont pas été décisives, ont permis aux Français de reprendre le dessus sur les Anglo-bourguignons. Cet avantage permet à Charles VII de signer le traité d’Arras (1435) avec le duc de Bourgogne, lequel abandonne l’alliance anglaise et reconnaît Charles VII pour roi de France. L’année suivante, Paris est reconquise.
La réforme financière et militaire
Au début des années 1430, le système fiscal hérité du milieu du XIVe siècle est désorganisé du fait de la guerre civile et étrangère, de la dépopulation et la crise économique, et des fraudes des administrations. La réforme financière, préalable à la réforme militaire, paraît être une condition nécessaire à la victoire sur l’Angleterre.
C’est la reconquête de Paris (1436) qui permet de réunir les administrations et de réorganiser le royaume. Après avoir mis de l’ordre dans les finances, Charles VII et son gouvernement procèdent à deux réformes hardies : la naissance de l’impôt permanent et de l’armée professionnelle. En 1439, une ordonnance promulguée à Orléans instaure le premier impôt permanent, la taille royale (qui se substitue à la seigneuriale), destinée à financer une armée permanente. En outre, la réunion des Etats généraux n’est plus nécessaire pour lever les tailles puisque cette levée devient une prérogative royale. L’armée permanente voit le jour en 1445 avec l’ordonnance de Louppy-le-Château ; cette armée royale ne cesse dès lors de croître en effectifs (9000 hommes à sa création, 12.000 un an plus tard, 16.000 à la fin du règne de Louis XI).
La libération du territoire
De 1437 à 1443, la reconquête piétine. Charles VII a à faire face à une dégradation de l’état du royaume : des famines, engendrée par de mauvaises récoltes, apparaissent dans les années 1435-1440, la peste sévit à l’état endémique et des bandes de brigands pillent les campagnes. De plus, en 1440, le roi de France doit mater une révolte de grands vassaux connue sous le nom de Praguerie. Les rois de France et d’Angleterre signent les trêves de Tours en mai 1444, prévues pour dix mois et reconductibles. Charles VII en profite pour consolider ses forces et mener à bien ses réformes. La trêve est rompue le 17 juillet 1449. Le roi de France se concentre alors sur la Normandie qu’il parvient à reconquérir définitivement en 1450 (victoire décisive à Formigny).
L’armée royale se dirige ensuite vers la Guyenne, habituée à la présence anglaise. Il faut trois ans pour que la conquête parvienne à son terme. La victoire décisive de Castillon (17 juillet 1453) sur les Anglais et la capitulation de Bordeaux (19 octobre suivant) marquent la fin de la guerre de Cent Ans. Aucun traité ne vient officiellement mettre fin au conflit et les Anglais conservent Calais. Cependant, l’incapacité des souverains anglais aux prises avec des difficultés intérieures (la guerre des Deux Roses) empêche toute nouvelle offensive contre les Français. La guerre est terminée.
La naissance d’une monarchie nationale (1453-1515)
Le renforcement de l’autorité royale
Lit de justice de Charles VII au Parlement de Paris en 1450 (détail d’une enluminure de Jean Fouquet).
L’Etat royal est sorti renforcé de la guerre de Cent Ans, grâce aux réformes menées notamment par Charles V et Charles VII et aux réflexions politiques des juristes. Les règles de l’indisponibilité et de l’inaliénabilité de la Couronne, symbolisées par la formule « le roi est mort, vive le roi », ne font plus l’objet de contestations. La double nature du roi s’impose dans les esprits : le roi est à la fois une personne et une institution, la première mortelle, la seconde indépendante de lui et donc immortelle. Le roi est appuyé par l’Eglise, sur lequel il acquiert une influence par la Pragmatique sanction de Bourges (1438) lui permettant d’intervenir dans l’élection des abbés et des évêques par recommandation. L’expression de roi « Très Chrétien » devient officielle sous Louis XI.
Le Parlement de Paris devient le premier grand corps de l’Etat, chargé entre autres de rendre la justice et d’enregistrer les ordonnances et édits royaux. A l’occasion de ces enregistrements, les parlementaires peuvent faire part au roi de leurs observations et émettre des remonstrances. En 1454, par l’ordonnance de Montils-les-Tours, le roi confie au Parlement de Paris la compilation et la rédaction des coutumes françaises. Des Parlements de province sont créés au cours du XVe siècle, comme à Toulouse (1443), Grenoble (1456), Bordeaux (1462) ou Dijon (1477). Le quadrillage institutionnel progresse, rapprochant les populations locales des services et administrations. Le nombre de bailliages passe de 36 en 1328 à une soixantaine vers 1460 et 86 à la fin du XVe siècle. Parallèlement, le nombre d’officiers royaux (sorte de fonctionnaires) va croissant.
La réforme de l’administration fiscale et le développement de la fiscalité permettent aussi l’émergence de l’Etat moderne. Si en 1332, 66 % des revenus du roi proviennent de ses domaines, cette part tombe à 2 % à la mort de Louis XI (1483) ! Les recettes royales sous le règne de Louis XI passent de 1.8 million de livres tournois à plus de 4.6 millions.
Quant aux Grands du royaume qui tentent de résister, ils sont durement matés. Ainsi, le double-jeu de Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, avec les rois de France et d’Angleterre lui vaut d’être exécuté ; Jacques d’Armagnac, duc de Nemours, est pareillement mis à mort en 1477 pour complot contre le roi.
Les progrès de la conscience nationale
La guerre de Cent Ans a accéléré l’émergence du sentiment national, lequel s’est construit sur le rejet de l’occupation par les ennemis du royaume et du roi. Les chevauchées et pillages des Anglais a contribué à faire naître une certaine « xénophobie » au sein des populations locales. Plusieurs épisodes dans la guerre témoignent de sentiments patriotes : l’assassinat d’Etienne Marcel lorsqu’il fut soupçonné de vouloir livrer Paris aux Anglais, la résistance des paysans normands à l’occupation anglaise au XVe siècle et surtout Jeanne d’Arc, incarnation du sentiment national naissant.
Ce sentiment national reste néanmoins encore ambigu et limité. Pour les Français du XVe siècle, la nation se confond avec la personne du roi ; elle en est inséparable. Cérémonies (entrées du roi dans les villes), statues et peintures du souverain renforcent le loyalisme dynastique. De plus, le sentiment national se superpose au sentiment d’appartenance locale. Ainsi, Bordeaux refuse de se soumettre au roi de France jusqu’en 1453 ; certaines identités régionales comme en Bretagne ou Bourgogne restent fortes.
De nouvelles guerres
Louis XI, peu après son accession au trône, va entreprendre de mettre à bas son plus puissant rival : le duc de Bourgogne. Le roi de France est soucieux d’agrandir le domaine royal ; Charles le Téméraire, futur duc de Bourgogne (il le devient en 1467), entend faire du duché un véritable royaume indépendant entre la France et le Saint-Empire. En 1463, le rachat par Louis XI de villes de la Somme qui avaient été cédées au duc de Bourgogne par Charles VII entraîne la guerre. Le conflit dure plus de dix ans. Abandonné par ses alliés, Charles le Téméraire voit son armée écrasée à Grandson et Morat (1476) et le duc trouve la mort en tentant de reprendre Nancy (1477). Marie, héritière du duché, se marie à Maximilien de Habsbourg qui tente de défendre ses possessions. A la mort de Marie, Maximilien signe le traité d’Arras (1482) où il cède au roi de France la Bourgogne et la Picardie.
Charles VIII poursuit la politique des réunions de son père. A l’Ouest, le duché de Bretagne fait l’objet de toutes les convoitises. L’armée royale française lance l’offensive en 1487 et obtient des succès. L’année suivante, Charles VIII obtient le traité du Verger qui interdit aux filles de François II, duc de Bretagne, de se marier sans le consentement du roi. En 1490, Anne, devenue duchesse de Bretagne, viole le traité en se mariant à l’archiduc d’Autriche Maximilien de Habsbourg par procuration. En réaction, Charles VIII met le siège devant Rennes où s’est réfugiée Anne, laquelle décide de se rendre (1491). Annulant son précédent mariage, elle devient l’épouse de Charles VIII et, de ce fait, reine de France.
A la fin de sa vie, Charles VIII mène la guerre en Italie. Charles d’Anjou, dans un testament, avait légué ses possessions territoriales, dont celle de Naples, au roi de France, bien que les Anjou aient été chassés de Naples par le roi de Navarre. En 1494, Charles VIII entreprend de récupérer l’héritage, en vain, lors de la première guerre d’Italie. Louis XII poursuit les guerres de son père. Si la deuxième guerre d’Italie (1499-1500) est un succès avec la prise de Milan, la troisième (1501-1504) est un échec à Naples, conquise (1501) puis reprise par l’ennemi (1504), et la quatrième (1501-1504) se termine par un désastre entraînant la perte de toutes les possessions en Italie.
Bibliographie :
BALARD Michel, GENÊT Jean-Philippe, ROUCHE Michel, Le Moyen Âge en Occident, Paris, Hachette, 1999.
KERHERVÉ Jean, Histoire de la France : la naissance de l’Etat moderne. 1180-1492, Paris, Hachette, 1998.
VERNEUIL Christophe, Etat et Etat-nation en France du XIIIe siècle à nos jours, Paris, Ellipses, 2012.