A la suite de la guerre franco-prussienne, les républicains et royalistes auraient pu s’attendre à ce que l’idée impériale soit discréditée et définitivement enterrée, d’autant plus qu’aux élections de 1871, les bonapartistes ne furent qu’une vingtaine à la Chambre. Or, dès 1873, le bonapartisme connut une remontée spectaculaire qui inquiéta fortement ses ennemis et qui culmina en 1876-1877 sur le plan électoral. La mort inattendue du prince impérial en 1879, faisant disparaître tout prétendant sérieux et résolu du côté des bonapartistes, fit entrer le parti dans une phase de lente agonie et contribua à installer définitivement la République.
Le bonapartisme sous la République de Thiers (1870-1873)
L’effondrement du bonapartisme (1870-1871)
Au lendemain de la bataille de Sedan, Napoléon III prisonnier des Prussiens, les bonapartistes ne parviennent pas à défendre la régence de l’impératrice. Le 4 septembre, l’Empire déchu est remplacé par la République proclamée à l’hôtel de ville de Paris par des députés républicains tels Gambetta et Jules Simon. L’impératrice fuit en Angleterre, où elle loue la demeure Camdem Place à Chislehurst qui devient la résidence du couple impérial, tandis que les grandes figures du régime impérial font profil bas. Peu de résistances se font jour dans la très républicaine ville de Paris. Dans certains départements en revanche, la population proteste contre la révolution, comme dans le Nord, le Puy-de-Dôme, le Lot, le Gers, les Hautes-Alpes ou la Corse.
Le 28 janvier 1871, un armistice est signé à Versailles et des élections doivent s’organiser rapidement, Bismarck demandant à traiter avec les représentants d’une Assemblée élue.
Le décret du 31 janvier de Gambetta frappe d’inéligibilité les anciens ministres, sénateurs, préfets et conseillers d’Etat du Second Empire, ainsi que tous ceux qui ont bénéficié des candidatures officielles, toutes ces personnalités pouvant espérer être élues par leur prestige personnel. Cette mesure ruine les chances des bonapartistes, certains de ces hommes visés par le décret étant implantés depuis longtemps dans leur fief. De plus, le nouveau mode de scrutin les défavorise : sous l’Empire le scrutin était uninominal à deux tours et l’on votait à la commune ; désormais le scrutin est à un tour et l’on vote au chef-lieu de canton, ce qui écarte certaines populations rurales conservatrices. A trois jours des élections, le décret du 31 janvier est annulé sur demande de Bismarck qui souhaite que les élections se déroulent de façon tout à fait démocratique, mais les bonapartistes apprennent la nouvelle trop tard pour se réorganiser.
Les fidèles de l’Empereur n’osent même pas faire campagne sous les couleurs bonapartistes, sauf en Corse. Le 8 février, ils obtiennent 19 élus (sur 675) : quatre en Corse, quelques-uns dans les Charentes et le Sud-Ouest (dont le prince Joachim Murat dans le Lot), quelques-uns encore dans le Nord industriel grâce aux ouvriers reconnaissant des acquis sociaux de l’Empire. Dans certaines circonscriptions, la victoire est obtenue malgré les persécutions : Prax-Paris, maire de Montauban, est élu dans le Tarn-et-Garonne alors que le préfet a fait déchirer ses affiches et confisquer ses professions de foi ainsi que ses bulletins.
Le 17 février 1871, l’orléaniste Adolphe Thiers est élu chef du pouvoir exécutif et fait face à une Chambre très conservatrice (214 orléanistes, 182 légitimistes contre 222 républicains et libéraux). La question du régime est mise entre parenthèses. En Angleterre, Napoléon III fait savoir qu’il n’a pas abdiqué et affirme la République illégitime car non sanctionnée par le vote populaire. La déchéance de l’Empire est votée solennellement le premier mars 1871, alors qu’il n’y a quasiment pas de défenseur de l’Empire à la Chambre. Les bonapartistes contestent à l’Assemblée tout mandat constituant.
Le redressement (1871-1873)
Eugène Rouher.
En août 1871, Eugène Rouher, ancien ministre d’Etat et président du Sénat, « vice-empereur » sans le titre et bonapartiste autoritaire, qui s’était réfugié en Angleterre auprès de l’impératrice, en revient avec la mission, confiée par Napoléon III, de réunir les forces bonapartistes et de repartir à la conquête du pouvoir.
Il s’installe rue de l’Elysée avec son « état-major » constitué en grande partie d’anciens ministres impériaux. Il réussit à réunir bonapartistes autoritaires et libéraux autour du thème de l’Appel au peuple (qui sera le nom du groupe parlementaire en 1872), réclamant une consultation du pays par plébiscite sur le régime souhaité (Royauté, République ou Empire). Afin de prendre la tête du groupe parlementaire de l’Appel au peuple, Rouher se fait élire le 2 juillet 1872 en Corse, Abbatucci lui ayant laissé son mandat. Les résultats des élections partielles sont encourageants : ainsi, Charles-Alphonse Levert, ancien préfet impérial, est élu dans le Pas-de-Calais début janvier 1872.
Plusieurs journaux relaient la propagande bonapartiste, dont L’Ordre de Rouher, Le Pays de Cassagnac ainsi que Le Gaulois d’Edmond Tarbé qui s’est déclaré de lui-même bonapartiste dès 1871. Parallèlement, un certain nombre de brochures sont mises en circulation pour répondre aux attaques des républicains (comme la Vérité sur la Campagne de 1870 de Giraudeau ou Ils en ont menti de Peyron).
Un second retour de l’île d’Elbe ?
Fin 1872, Napoléon III croit pouvoir revenir au pouvoir en rééditant le retour de l’île d’Elbe de son oncle. Il s’agirait de partir rapidement de l’Angleterre, passer par la Belgique et la Suisse pour gagner Lyon, où l’attendrait le général bonapartiste Bourbaki avec 30.000 hommes. De là, et avec l’appui de hauts fonctionnaires, il marcherait vers Paris, « volant de clocher en clocher » et ralliant les paysans sur son passage. Le contexte économique et social s’y prête, bon nombre de ruraux regrettant la prospérité impériale. Les Cours européennes avaient été sondées, et aucune ne voyait d’un mauvais oeil une restauration impériale. L’opération avait été fixée en mars 1873.
Mais Napoléon III, atteint d’un grave calcul de vessie interdisant toute opération de cette envergure (il est incapable de monter à cheval), devait auparavant se faire opérer. Le docteur Thompson est chargé des opérations. Le 2 janvier est procédé à un premier broyage de la pierre ; le 6 on recommence mais c’est un échec. Une troisième opération est prévue le 9, mais l’Empereur est agonisant. Il s’éteint le 9 dans la matinée, adressant ses dernières paroles à son ami Conneau : « N’est-ce pas, Henri, que nous n’avons pas été des lâches à Sedan ? »
Photographie de Napoléon III sur son lit de mort.
« L’Empereur est mort, vive l’Empereur ! » (1873-1875)
De l’Empereur au prince impérial
Rouher reçoit la nouvelle de la mort de l’Empereur dans l’après-midi du 9 janvier alors qu’il siège à la Chambre ; il s’éclipse le visage plein d’émotion. Les bonapartistes doivent réagir rapidement pour ne pas disparaître avec Napoléon III. Celui-ci a laissé un fils, le prince impérial dont l’impératrice est la régente jusqu’à sa majorité. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se rendent à l’inhumation le 15 janvier. Les journaux bonapartistes français se servent de l’occasion comme thème de propagande : à la sortie de l’église, le prince impérial est acclamé, « Vive l’Empereur, vive Napoléon IV ! ». La presse républicaine se réjouit au contraire de cette mort qui, selon elle, signe la mort du bonapartisme. Mais loin d’être abattu, le courant bonapartiste continue son ascension : le prince a bonne allure et est vierge des fautes de son père. Dans les campagnes, beaucoup de ruraux reportent leur affection sur « le petit prince ». Néanmoins le réflexe dynastique n’est pas automatique : dans les Pyrénées-Orientales, les paysans sont plus attachés à Napoléon III qu’à sa dynastie ; dans la Vienne, le décès de l’Empereur favorise le ralliement des masses à la République.
L’année suivante, le 16 mars 1874, le prince impérial est proclamé majeur. Une intense propagande est organisée dans toute la France. En Angleterre, on attendait 3000 personnes, au moins 7000 sont venues à Chislehurst pour acclamer le prétendant au trône.
La République est désarmée face à l’engouement populaire. Le duc de Broglie, ministre de l’Intérieur, donne l’ordre de saisir les milliers de photographies du prince qui inondent le pays, sous prétexte qu’elles excitent le peuple, tandis que le duc de Padoue, maire de Courson-l’Aulnay et influent bonapartiste, est suspendu par le préfet de Seine-et-Oise pour avoir assisté à la cérémonie du 16 mars. Les descentes de police et visites domiciliaires se multiplient dans l’espoir de trouver des documents compromettants. Les inquiétudes sont renforcées par les élections législatives partielles : en 1874, sur seize élections, les bonapartistes en participent à dix et obtiennent cinq sièges.
Le 24 mai, Adolphe Thiers, converti au républicanisme, démissionne, et est remplacé par le maréchal Patrice de Mac-Mahon (royaliste), deuxième président de la IIIe République.
Entre des royalistes sans prétendant résolu du fait du refus du comte de Chambord de monter sur le trône, rejetant le drapeau tricolore comme celui des régicides, et la lassitude des républicains dans l’opposition, le terreau politique est tout à fait favorable aux bonapartistes.
L’élection Bourgoing (1874-1875)
Le Petit journal du 27/05/1874 (n°4170).
C’est dans le cadre de cette remontée inattendue du bonapartisme que se déroule l’affaire Bourgoing. Le 24 mai 1874, lors d’une élection partielle dans la Nièvre, le baron de Bourgoing, ancien écuyer de l’Empereur se revendiquant ouvertement impérialiste, est élu dans un fief républicain avec près de 5000 voix d’avance sur son principal concurrent (37.599 voix pour Bourgoing, 32.157 pour le républicain Gudin et 4527 pour le légitimiste de Pazzis). Cette élection affole républicains et orléanistes, qui craignent de voir restauré cet Empire auquel les Français avaient apporté quatre ans plus tôt sept millions de suffrages.
Très vite, Cyprien Girerd, député républicain de la Nièvre, produit un papier trouvé dans un wagon provenant, assure-t-il, d’un comité de l’Appel au peuple non autorisé, ce qui est de nature à faire invalider Bourgoing. Rouher proteste, assurant qu’il n’y a pas de comité bonapartiste et mettant en doute l’authenticité du document.
Malgré les protestations des bonapartistes, Bourgoing est invalidé. Les bonapartistes ont la confirmation plus tard que le document brandi par Girerd n’était qu’un faux fabriqué conjointement par les républicains et orléanistes. La cause de Bourgoing n’est discutée que le 2 juillet 1875 à l’Assemblée, mais il ne lui est pas permis de regagner son siège de député, l’Assemblée arguant qu’il ne fut élu de toute façon qu’à une faible majorité !
L’installation de la République (1875)
En 1875, l’Assemblée vote les lois constitutionnelles installant définitivement la République après quatre années de flottement. L’agitation du groupe de l’Appel au peuple effraie les orléanistes qui n’hésitent pas à voter avec les républicains l’amendement Wallon fondant la République (30 janvier 1875). Lors du débat du 30 janvier, le bonapartiste Raoul Duval fait un long plaidoyer pour l’appel au peuple, affirmant que l’on ne peut pas imposer un régime à un pays sans le consulter, clamant aux républicains qu’ils ne peuvent pas accepter « que la République pénètre par une fissure ».
L’amendement est finalement voté à une voix de majorité : 353 contre 352. Les orléanistes réitèrent leur alliance avec les républicains en février et juillet 1875 dans le vote des lois organiques, à la stupeur des bonapartistes qui voient ces royalistes fonder la République ! Le bonapartiste Jules Richard écrit : « On ne pouvait pas supposer que [les orléanistes], qui étaient allés à Frohsdorf offrir une couronne au comte de Chambord, voteraient pour la République avec les gens du 4 Septembre. » (Le bonapartisme sous la République, 1883, p. 135).
De l’espoir à la désillusion (1876-1879)
Les élections législatives de 1876 : un demi-succès
Le parti, sous l’influence du conservateur Rouher et de l’impératrice a fait, depuis la mort de Napoléon III, un demi-tour à droite, délaissant le monde ouvrier pour le monde des notables et la paysannerie. Le parti devenait une composante à part entière de la droite, l’aile gauche représentée par Jules Amigues et Raoul-Duval étant marginalisée.
En mars 1876 se tiennent les élections législatives, très attendues chez les impérialistes. Pour la première fois, les bonapartistes peuvent en appeler au peuple français sur la révolution parisienne du 4 septembre et transformer le scrutin en plébiscite. Si le budget est moins important qu’auparavant pour la propagande, il reste tout à fait correct. 225 candidats bonapartistes se présentent pour 530 circonscriptions. Rouher lui-même se représente en Corse mais doit faire face à la concurrence de Jérôme-Napoléon dit « Plon-Plon », cousin germain de Napoléon III et proche idéologiquement des républicains, qui ne digère pas le fait d’avoir été écarté de la direction du parti. Cette candidature oblige le prince impérial à désavouer le cousin germain de son père qui sème le trouble dans son camp.
Rouher, chef du parti, opte pour la tactique du « chacun pour soi », refusant de retirer tout candidat face aux légitimistes ou orléanistes. Cette option réussit bien aux bonapartistes qui parviennent à tirer leur épingle du jeu et arrivent au nombre de 76 à la Chambre. Si les républicains sont les grands gagnants avec 393 sièges, les bonapartistes ont pris l’ascendant sur les royalistes (40 sièges pour les orléanistes, 24 pour les légitimistes). Mais ces 76 députés restent très insuffisants. Quant à Rouher, il est élu en Corse et dans le Puy-de-Dôme, mais choisit (comme il l’avait promis) le Puy-de-Dôme, laissant la Corse à Plon-Plon.
Bernard Ménager pointe des erreurs tactiques des bonapartistes (Les Napoléon du peuple, Paris, Aubier, 1988, pp. 301-303). Certains départements favorables comme l’Aisne sont délaissés. L’idée d’Empire n’est défendue par les candidats que dans une minorité de cas, le calcul de laisser le drapeau impérialiste dans la poche n’étant pas toujours judicieux. En effet, l’analyse du scrutin montre que les candidats se déclarant impérialistes l’emportent dans la moitié des cas, alors que ceux qui ne font référence qu’à l’appel au peuple ne sont élus que dans un tiers des cas. Sur 73 circulaires électorales analysées par Bernard Ménager, huit seulement mettent en avant la politique économique du Second Empire et, pire encore, seules trois rappellent la politique sociale. Les thèmes invoqués par la plupart des candidats bonapartistes, c’est-à-dire la défense de l’ordre, de la famille, de la religion et de la propriété, ne les distinguent pas de leurs concurrents royalistes et facilite le basculement des masses populaires vers la République dans certaines régions « progressistes ».
La dissolution de la Chambre et les élections de 1877
Le président, le royaliste maréchal de Mac-Mahon, est obligé suite aux élections de 1876 de composer un gouvernement de gauche, et met le républicain Jules Simon (qu’il tient en détestation) à sa tête. Dans le camp bonapartiste, on pense que la dissolution prochaine de la Chambre est inévitable. Emile Ollivier (ex-républicain, ministre de l’Empire libéral) s’écrit à propos du choix de Mac-Mahon : « Il va nous mener à un Sedan politique ! ». En effet, dans le cas d’une nouvelle défaite des Droites, la République sortirait fortement consolidée et les chances de Restauration gravement compromises. Cet avis est partagé par Raoul-Duval, qui souhaite laisser les républicains se discréditer, et Rouher.
La rupture éclate le 16 mai 1877, jour où Mac-Mahon donne un blâme à Jules Simon pour ne pas avoir su imposer les vues du gouvernement aux républicains de la Chambre. Simon dépose aussitôt sa démission et le président nomme le conservateur duc de Broglie à sa place. La Chambre n’acceptant pas le nouveau gouvernement de droite, le maréchal demande la dissolution, que lui accorde le Sénat.
Contrairement à 1876, cette fois, sous l’impulsion de personnalités bonapartistes telles que le très autoritaire Paul de Cassagnac, prévaut l’union des droites (l’Union conservatrice). Rouher et le prince impérial sont mitigés mais sont dépassés par leurs troupes. Lors du partage des circonscriptions (« collèges électoraux »), les bonapartistes parviennent à arracher 250 candidats aux royalistes qui se présentent sous l’étiquette maréchalo-conservatrice. Les résultats des scrutins des 14 et 28 octobre 1877 donnent 323 sièges aux républicains (léger recul mais victoire), 104 aux bonapartistes, 44 aux légitimistes et 11 aux orléanistes. Là où ils se sont présentés, les bonapartistes ont obtenu en moyenne 46 % des voix. Plon-Plon s’est représenté en Corse, face au candidat officiel qui n’est autre que le baron Haussmann, mais les électeurs suivent les consignes de l’état-major et choisissent l’ancien préfet de la Seine. Plon-Plon battu ne se représentera plus.
C’est le plus haut niveau électoral des bonapartistes (qui ne sera plus jamais atteint) mais cela reste très insuffisant. Des divisions profondes naissent au sein du parti, la frange gauche du bonapartisme critiquant la dérive droitière du parti et accusant Rouher de négliger l’électorat paysan et ouvrier. Ainsi, le 25 octobre 1877, Jules Amigues considère dans son journal Le Petit Caporal que « l’alliance des bonapartistes et des légitimistes cléricaux a fait le plus grand tort aux premiers en leur enlevant quantité de voix des ouvriers et des paysans ». D’autres personnalités adhèrent totalement à la doctrine de l’Union conservatrice, comme Paul de Cassagnac et généralement des hommes solidement implantés dans leur fief. Cette division préfigure le schisme des années 1880 entre jéromistes (républicains ou proches des républicains) et victoriens (conservateurs), après la mort du prince.
Pour le moment, au vu des résultats des élections législatives de 1876-1877, les bonapartistes ne peuvent désormais prétendre qu’à jouer le rôle d’une minorité politique disposant de solides bastions, et espérer une crise de régime pour revenir au pouvoir.
1879 et la mort du prince impérial
La situation politique ne profite pas aux bonapartistes. En 1879, au début de janvier, les républicains deviennent majoritaires au Sénat. Mac-Mahon donne sa démission le 30 janvier et l’Assemblée élit à sa place le républicain modéré Jules Grévy. Le groupe de l’Appel au peuple vote pour Grévy contre le duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe. La République paraît installée.
Le prince impérial (1878).
Le prince impérial, s’ennuyant à Chislehurst, se sentant inutile, déconnecté des réalités et lassé des insultes que lui adressent ses ennemis, décide de partir en expédition en Afrique, avec l’armée britannique contre les Zoulous, espérant revenir avec un peu de gloire. La présence du prince impérial gêne le gouvernement anglais qui avait d’abord adressé un refus. L’impératrice elle-même y était défavorable. Rouher, quand il apprend la nouvelle, part dissuader le prince mais échoue.
Le prince part le 29 février 1879. Il atteint le port du Cap le 26 mars et est fait aide de camp. Le 1er juin, il suit une escorte de huit hommes commandée par le lieutenant Carey. Lors d’une halte, des Zoulous surgissent et Carey somme ses hommes de fuir. Le prince tente de monter sur son cheval mais tombe. Seul, il tente de se défendre mais est percé de dix-sept coups de sagaie.
Ce n’est que le 20 juin que la nouvelle de la mort arrive en France, frappant de stupeur autant le parti bonapartiste que ses ennemis. La mort du prince ouvre une querelle d’héritiers : le parti se déchire entre jéromistes (partisans de Plon-Plon, minoritaires), les victoriens (partisans de Victor-Napoléon, fils de Plon-Plon, désigné chef de la maison impériale dans le testament du prince impérial) et plus tard les « solutionnistes » de Cassagnac (prêts à tout accepter sauf la République) tandis que les dernières prestigieuses personnalités de l’Empire disparaissent (Rouher meurt en 1884). Le parti bonapartiste entame une très longue agonie qui ne se terminera qu’en 1924, année où le Cartel des gauches écartera les derniers bonapartistes restants de la Chambre.
Bibliographie :
ANCEAU Eric, Napoléon III, Paris, Tallandier, 2008.
LÉVÊQUE Pierre, Histoire des forces politiques en France, 1789-1880, Paris, Armand Colin, 1992.
MÉNAGER Bernard, Les Napoléon du peuple, Paris, Aubier, 1988.
RICHARD Jules, Le Bonapartisme sous la République, Paris, éd. Rouveyre et G. Blond, 1883.
WITT Laetitia (de), Le Prince Victor-Napoléon, Paris, Fayard, 2007.