L’origine de la Réforme se trouve dans le climat d’inquiétude religieuse qui caractérise la fin du Moyen Âge et dans l’impuissance de l’Eglise à y trouver des réponses. La papauté apparaît comme incapable d’indiquer aux fidèles la voie à suivre pour assurer son Salut. La pratique religieuse glisse vers le terrain des superstitions (culte de la Vierge et des saints, pèlerinages, port de médailles, accumulation d’indulgences,…), sans pour autant diminuer l’angoisse des foules.
Dans le même temps, l’Eglise romaine est critiquée pour ses nombreux abus : ivrognerie, concubinage et goût du lucre sont monnaie courante dans le clergé. Si ces abus ne sont pas neufs, la critique s’accentue durant la Renaissance. Chrétiens et laïcs cherchent des voies spirituelles nouvelles, en marge de l’Eglise officielle. Dans le même temps, les humanistes proposent de revenir à l’Ecriture sainte elle-même, rejetant par là toutes les interprétations proposées au Moyen Âge. Dans ce contexte que éclot la Réforme protestante qui brise l’unité chrétienne de l’Europe, contribuant à l’émiettement politique de l’Europe en consolidant les particularismes nationaux.
Les protestantismes
La réforme luthérienne
La première réforme vient de Martin Luther. Né à Eisleben (Saxe) en 1483, moine augustin, il étudie la théologie à Wittenberg et devient professeur. Inquiet pour son Salut, il médite les Épîtres de Saint-Paul, espérant y trouver la réponse à ses angoisses. Il se met à penser que Dieu assure le salut des pêcheurs, non pas en fonction de leurs uvres, mais en fonction de leur seule foi. Cette théorie est à la base de la pensée luthérienne et de l’ensemble de la réforme.
Indigné par la vente des indulgences, qui fait croire aux chrétiens que l’on peut acheter son Salut, Luther décide de faire connaître ses idées. Le 31 octobre 1517 (jour de la Toussaint), il affiche à Wittenberg ses 95 thèses, résumant l’essentiel de ses condamnations. La diffusion est immédiate en Allemagne. La condamnation de ses idées par le Saint-Siège, qui culmine en 1520 avec la bulle Exsurge, domine, ne fait pas pour autant changer d’avis Luther, qui rejette alors la primauté romaine, affirmant que l’Ecriture est la seule source de la Foi. Les écrits de Luther rencontrent un grand succès en Allemagne, entraînant l’adhésion enthousiaste de clercs, de bourgeois, d’intellectuels ou de princes. Convoqué par l’empereur Charles Quint en 1521 devant la diète de Worms (assemblée politique allemande), Luther y réitère ses principes, refusant ainsi de se rétracter. Ayant définitivement rompu avec l’Eglise romaine, il trouve une protection chez le duc Frédéric de Saxe et se réfugie dans le château de Wartbourg où il traduit la Bible en allemand.
La théorie luthérienne s’étend très rapidement à l’ensemble de l’Allemagne, au Danemark, en Suisse et en Alsace, obligeant Luther à préciser ses positions. Il condamne ainsi la révolte de la petite noblesse en 1522 et le soulèvement des paysans de Souabe en 1524 soutenu par Thomas Münzer et les anabaptistes, secte radicale qui veut faire de la réforme religieuse une révolution sociale. Le disciple Mélanchton de Luther, rédige avec l’aide de ce dernier la Confession d’Augsbourg (1531), charte doctrinale de la foi luthérienne.
A la mort de Luther en 1546, le luthéranisme a gagné la majorité de l’Allemagne, la Suède, le Danemark et la Norvège. La réforme luthérienne entraîne à sa suite d’autres mouvements réformateurs.
Les autres courants
Ulrich Zwingli (1484-1531), disciple d’Erasme, prêche à Zurich à partir de 1518. Ses idées sont proches de celles de Luther mais il se distingue de ce dernier sur le fait qu’il accorde une certaine importance aux uvres dans le Salut. Il refuse toute présence réelle du corps et du sang du Christ dans l’Eucharistie. A sa mort, les cantons de Bâle, Berne et Zurich sont rangés sur ses positions, et, avec quelques nuances, ce sont ses idées qui gagnent également les villes du Rhin en particulier Strasbourg.
En Angleterre, l’Eglise est critiquée par un important mouvement humaniste (John Calet, Thomas More). Henri VIII va rompre avec le pape qui refusait d’annuler son premier mariage avec Catherine d’Aragon. En 1534, le Parlement vote l’Acte de Suprématie qui sépare l’Eglise d’Angleterre de Rome. Toutefois, il n’est pas encore possible de parler véritablement de réforme, Henri VIII ayant d’ailleurs condamné les thèses de Luther, multipliant aussi les persécutions contre les protestants.
En revanche, le successeur de Henri VIII, Edouard VI, est favorable au protestantisme. L’Eglise anglicane se met à tendre vers le calvinisme mais subit également une influence helvétique. Le schisme devient une hérésie. Devenue reine, Marie Tudor (1553) décide de revenir au catholicisme romain, annulant l’Acte de Suprématie, mais l’opinion publique ne suit pas la souveraine. Elle décide alors de mener une impitoyable répression qui lui vaut le surnom de Marie la Sanglante, mais cette réaction catholique ne survit pas à sa mort (1558). L’anglicanisme s’implante alors définitivement.
La nouvelle dynamique calviniste
Dans le sillage du luthéranisme apparaît un courant encore plus réformateur : le calvinisme. En France, la réforme luthérienne rencontre un certain succès. François Ier décide de mener à partir de 1534 une dure répression : nombre de réformés sont condamnés au bûcher et leurs chefs sont contraints à la fuite. Jean Calvin (1509-1564) lui-même exilé, publie à Bâle pour défendre ces martyrs l’Institution de la religion chrétienne (1536). Installé à Genève, qui devient capitale européenne du protestantisme, il donne à la doctrine réformée une rigueur et une logique qu’elle n’avait pas encore. Il développe une conception du Salut fondée sur la prédestination et il proscrit notamment le luxe du vêtement ou de la table, les blasphèmes et les chansons frivoles.
Alors que l’élan luthéraniste s’essouffle, le calvinisme gagne du terrain. Vers 1560, la France compte 670 églises calvinistes. La réforme calviniste s’impose aux Pays-Bas, en Bohême, en Pologne et en Hongrie. En Ecosse émerge également une Eglise réformée d’inspiration calviniste, sous l’influence de John Knox.
La réforme catholique
L’Eglise à la veille de la Réforme
A la fin du Moyen Âge, les fidèles tolèrent de moins en moins des pratiques condamnables telles que la simonie (trafic de choses sacrées), la commende (attribution de bénéfices réguliers à des séculiers ou à des laïcs), le cumul des bénéfices et la non-résidence, ou encore la scandaleuse conduite de vie de certains ecclésiastiques. Les papes ne sont pas non plus toujours des modèles de sainteté : des pontifes comme Innocent VIII ou Alexandre VI Borgia choquent leurs contemporains pour leur débauche. Les humanistes chrétiens appellent à la réforme de l’Eglise, souhait qui ne sera pas immédiatement entendu.
Rassurée par ses positions solides en Europe méditerranéenne, la papauté n’est pas consciente de la gravité du schisme qui est en train de se produire dans les débuts du luthéranisme, croyant à une simple hérésie sans conséquences. Clément VII se contente ainsi d’envoyer des légats lutter contre les idées réformées. Ce n’est qu’avec Paul III (1534-1549) que les bases de la réforme de l’Eglise catholique seront jetées. En 1536, il introduit des évêques humanistes au Sacré Collège et convoque un Concile qui aura pour but de réformer l’Eglise. Ce Concile se tiendra dix ans plus tard : c’est le Concile de Trente (évêché du Nord de l’Italie).
Le concile de Trente
Dix-neuvième concile de l’Eglise catholique, le Concile de Trente (1545-1563), réunissant évêques, théologiens, légats pontificaux et ambassadeurs, va fixer pour quatre siècles (jusqu’à Vatican II) les bases de l’ecclésiologie catholique. L’oeuvre du Concile est dirigée par un esprit de contre-réforme en réaffirmant le dogme catholique et en refusant toutes les innovations de la Réforme protestante. La nature des sacrements, leur nombre (sept) et leur mode d’administration sont redéfinis. L’idée que la foi, sans les oeuvres, puisse suffire au Salut est condamnée. La présence réelle du Christ dans l’Eucharistie est réaffirmée dans une messe qui tient une place centrale. L’Eglise réforme aussi le sacerdoce : un effort particulier est porté au recrutement et à la formation des prêtres.
Le Concile tourne pourtant le dos aux humanistes : la Vulgate (traduction de la Bible en latin datant du Ve siècle), très controversée, est reconnue comme « authentique ». Un Index de livres interdits est publié, comprenant un bon nombre de livres humanistes (dont presque tous les ouvrages d’Erasme en 1555). La lecture de la Bible est réservée aux clercs et aux laïcs capables de la lire sans fausse interprétation.
L’Inquisition romaine est établie en 1542 et est confiée aux dominicains, anciens adversaires de Luther. Elle s’installe dans l’ensemble des pays chrétiens. De leur côté, les souverains catholiques (Charles Quint, Henri VIII, François Ier,…) envoient les hérétiques au bûcher.
Renouveau et rayonnement
Sous l’impulsion du pape Paul III, les catholiques tentent de regagner le terrain perdu. De nouveaux ordres religieux apparaissent : Capucins, Théatins, Oratoriens ou encore Barnabites. Ils combattent l’hérésie protestante en prêchant la foi catholique par la parole et par l’exemple. L’ordre des Jésuites, créé par l’Espagnol Ignace de Loyola en 1534, approuvé par Paul III (1540), se met au service du pape et devient le bras armé de la contre-Réforme. Il prend pour points d’appui essentiels l’Espagne et les Pays-Bas. De grands mystiques apparaissent comme Thérèse d’Avila, Pierre de Bérulle ou Benoît de Canfeld, témoignant de la vigueur du catholicisme.
Des tentatives de conciliation entre catholiques et protestants sont effectuées (Ratisbonne, 1541) mais cependant échouent toutes.
Bibliographie :
LEBRUN François, L’Europe et le monde. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002.
BERSTEIN Serge, MILZA Pierre, États et identité européenne. XIVe siècle-1815, tome 3, Paris, Hatier, 1994.
HÉLIE Jérôme, Petit atlas historique des Temps modernes, Paris, Armand Colin, 2004.