La mort d’Henri IV en 1610 ouvre une période d’instabilité politique qui dépasse de loin la période de minorité du roi Louis XIII. Si le caractère absolu du pouvoir monarchique triomphe dans les esprits, les désordres renaissent à la tête de l’Etat dès la régence de Marie de Médicis. L’époque voit aussi l’apparition d’un mode de gouvernement original : le ministériat, qui supplante le système du « favori » présent dans les pays voisins.
Durant ce premier XVIIe siècle, la centralisation étatique se poursuit, menant à un renforcement du pouvoir royal. Les troubles qui secouent cette période ne résultent pas d’un rejet de la nature absolue du pouvoir royal mais plutôt de la politique du favori ou principal ministre, « illégitime et tyrannique » ; l’idée absolutiste a fait son chemin.
La régence de Marie de Médicis (1610-1617)
Une nouvelle régence
Marie de Médicis est désignée dans la précipitation comme régente du jeune Louis XIII, alors âgé de neuf ans, le soir même de l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac (14 mai). Contrairement au défunt roi, Marie de Médicis n’a que peu de sens politique et se range du côté des Habsbourg. Elle couvre les Grands du royaume de cadeaux pour acheter leur fidélité, ce qui se révèle être une grave erreur, car ces derniers sont toujours plus exigeants en faveurs. Par conséquent, le trésor royal qui avait été rétabli par Sully est à nouveau déséquilibré, la régente n’hésitant pas à puiser dans les caisses. Pour montrer sa désapprobation, Sully quitte le pouvoir dès janvier 1611. En 1613, le Trésor royal est à sec et Marie de Médicis ne parvient pas à s’octroyer la fidélité des Grands.
Les Grands ont par ailleurs un motif d’insatisfaction fondamental : l’ascension prodigieuse de Concino Concini, favori de Médicis et florentin comme elle, homme détesté à l’ambition démesurée mêlé à de nombreux complots. Les Grands se réunissent vite autour du prince de Condé contre Concini. Un peu tard, ils contestent la légitimité de la régence de Marie de Médicis et réclament des états généraux.
Les états généraux et la reprise des troubles
Louis XIII est déclaré majeur en 1614 et organise un tour de France. Cependant, personne dans l’entourage du roi n’entend lui laisser le pouvoir. Le bégaiement et la timidité de Louis XIII aidant, sa mère la régente essaie de le faire passer pour simplet. Les états généraux qui se réunissent à Paris d’octobre 1614 à février 1615 ne donnent lieu à aucun consensus et se révèlent être un échec patent. Les députés, incapables de se mettre d’accord, sont finalement renvoyés par Marie de Médicis. Discrédités, les états généraux ne seront plus convoqués avant 1789. Concino Concini reste en place.
L’agitation reprend dès 1615 : Condé et ses amis se soulèvent contre Concini et la politique pro-Habsourg menée par le pouvoir royal. Louis XIII et l’espagnole Anne d’Autriche sont mariés ainsi qu’Elisabeth, soeur du roi, et le futur Philippe IV d’Espagne pour sceller des liens franco-espagnols. Le traité de Loudun est signé en 1616 par Condé qui se soumet et devient chef du Conseil royal. Continuant néanmoins à comploter contre Concini, il finit par être embastillé (1616).
Le « coup d’Etat royal » de 1617
Concino Concini est peu populaire dans le royaume, notamment auprès des Grands et des parisiens. Il méprise le roi Louis XIII, le sous-estimant et le rabaissant sans cesse. Bien que déclaré majeur en 1614, le roi est mis à l’écart du pouvoir et, constamment humilié, il se met à développer une véritable haine à l’encontre de Concini et de sa mère. Il reste pratiquement seul et dédaigné durant ces années, bien qu’il lui reste quelques proches dont son fauconnier Luynes et le militaire Vitry. Ensemble, ils programment l’élimination de Concini : chose faite le 24 avril 1617, sous les yeux du roi. La foule parisienne salut cette exécution politique et se range du côté de Louis XIII : le concept de raison d’Etat a fait son chemin dans les esprits. Marie de Médicis est exilée et tous ses ministres destitués.
Le règne de Louis XIII (1617-1643)
Des débuts difficiles
Louis XIII, à son arrivée au pouvoir, n’est que peu expérimenté et s’en remet à ses proches pour les grandes décisions, notamment Luynes, peu expérimenté lui-même.
En 1619-1620, la reine-mère, soutenue par les Grands du royaume, prend la tête de soulèvements armés contre le gouvernement de Louis XIII. Marie de Médicis fait appel à Richelieu, personnage habile auparavant repéré par Concini. La révolte prend fin lors de la défaite du Pont-de-Cé face aux troupes royales. Marie de Médicis vaincue est néanmoins autorisée à rentrer à Paris et à reprendre place au Conseil royal grâce aux tractations de Richelieu. Celui-ci est fait cardinal en guise de récompense, et après un certain temps d’observation par le roi, il rentre au Conseil royal (1624).
Les tensions religieuses regagnent dans le même temps de la vigueur : la politique pro-espagnole de la régence a poussé les huguenots à soutenir la révolte des Grands. L’intransigeance de certains chefs militaires protestants comme Henri de Rohan contraint la monarchie à organiser des expéditions militaires. La place forte protestante de La Rochelle, peuplée de 25 000 habitants, est prise en octobre 1628 après un siège de plus d’une année par les troupes royales, les rebellés se voyant sanctionnés par la démolition des remparts et l’abolition des privilèges. En 1629, une expédition militaire est conduite dans le Languedoc protestant, véritable démonstration de force qui supprime les privilèges politiques et militaires des huguenots.
Le ministériat de Louis XIII et Richelieu
Le ministériat désigne le « tandem » entre Louis XIII et son principal ministre Richelieu. Il s’agit d’une organisation politique inédite dans le royaume de France. Trois objectifs majeurs sont poursuivis par les deux personnages :
- L’affaiblissement des Grands, constamment agités.
- L’affaiblissement des protestants français.
- L’affaiblissement de la puissance des Habsbourg, sur le plan extérieur.
Vers 1630 s’opposent deux partis :
- Le parti des « bons catholiques » : anti-protestants, ils défendent l’idée d’un rapprochement avec les Habsbourg et veulent rallier l’Espagne dans la guerre de Trente Ans.
- Le parti des « bons français » : hostiles aux Habsbourg, ils veulent maintenir la distinction entre les intérêts de l’Etat et les intérêts de la religion.
Lors de la journée des Dupes (11 novembre 1630), Louis XIII est sommé de choisir l’un des deux camps et entre Richelieu (des bons français) et Marie de Médicis (des bons catholiques). Le roi ne dit rien sur le moment, ce qui fait penser aux bons catholiques que le roi a désavoué son ministre. En réalité il n’en est rien et le roi renouvelle sa confiance à Versailles à Richelieu. Marillac, figure majeure des bons catholiques est arrêté et Marie de Médicis est mise en résidence au château de Compiègne. Elle s’y évade et rejoint les Pays-bas espagnols où elle trouvera la mort.
Sous le ministériat, la centralisation du royaume est renforcée. Richelieu, se méfiant des gouverneurs, cherche à contrer leur pouvoir local en ayant recours aux commissaires royaux, munis de pouvoirs de plus en plus étendus mais révocables à tout instant (contrairement aux officiers), donc plus obéissants. En 1630, ils recevront le titre d’intendants de justice, police et finance. En 1642, ils seront chargés de la réception de la taille.
Les prélèvements fiscaux augmentent d’une manière prodigieuse à partir de la décennie 1630: la fiscalité directe, qui représente un peu plus de 10 millions en 1632, s’élève à 53 millions en 1643. Les recettes des différentes taxes ne seront jamais inférieures à 100 millions après 1635 (contre environ 35 millions entre 1600 et 1618). En outre, la perception est de plus en plus encadrée et les moyens pour lever l’impôt de plus en plus durs, déclenchant des révoltes urbaines et paysannes anti-fiscales.
La fin de Richelieu et de Louis XIII : vers une nouvelle régence
Louis XIII finit par avoir deux héritiers mâles d’Anne d’Autriche. Richelieu meurt en 1642 et c’est le cardinal Mazarin, formé par lui-même, qui le remplace. Celui-ci devient le principal ministre et poursuit la politique de son prédécesseur.
Vers 1643, conscient d’être en fin de vie, Louis XIII organise la futur régence autour du tandem Anne d’Autriche-Mazarin. Mazarin deviendra le formateur politique du futur Louis XIV. Le 14 mai 1643, Louis XIII décède et Louis XIV devient roi à l’âge de 4 ans et huit mois.
La régence d’Anne d’Autriche et l’avènement de Louis XIV (1643-1661)
Les débuts de la régence et les premières difficultés
Contrairement à Marie de Médicis, Anne d’Autriche est entièrement dévouée à Louis XIV et souhaite un royaume puissant à la majorité du roi. Elle s’efforce de lui donner la meilleure éducation politique possible. Mais les premières difficultés ne tardent pas à arriver, dues notamment à la croissance des impôts. Des révoltes anti-fiscales éclatent dans plusieurs villes du royaume (comme en Rouergue, à Ville-franche, à Tours).
La régente Anne d’Autriche doit vite faire face à la « cabale des Importants » (1643), regroupant le duc de Vendôme (bâtard d’Henri IV), son fils le duc de Beaufort, les Guise et les autres victimes du cardinal Richelieu, unis contre tous les ministres qui doivent leur élévation à Richelieu, en particulier Mazarin et les Condé. La conspiration est découverte et Beaufort emprisonné par le cardinal. Cette politique de fermeté du ministre marque sa volonté de rester au pouvoir et sa résolution.
La Fronde (1648-1652)
Anne d’Autriche doit surtout faire face à la Fronde, s’étalant de 1648 à 1652 et menaçant l’autorité royale. La Fronde finit par opposer trois partis (celui de la Cour, des parlementaires et de Condé) et se divise en trois périodes :
- La Fronde parlementaire (1648-1649).
- La Fronde des princes (1650-1651).
- La Fronde condéenne (1651-1652).
La Fronde parlementaire (ou « vieille Fronde ») est déclenchée par le poids de la fiscalité qui s’accroît durant cinq ans à Paris. Débutant par des émeutes bourgeoises, elle est relayée par les parlementaires opposés au ministériat, lorsque les magistrats décrètent comme nulles les nouvelles mesures fiscales. L’arrestation du sous-doyen du Parlement de Paris ordonnée par la régente et Mazarin entraîne l’apparition de barricades dans la capitale. Les émeutiers parviennent à obtenir la libération du sous-doyen frondeur. La régente et ses ministres décident alors de passer par les armes pour mater la rébellion. La Cour s’enfuit pour St-Germain-en-Laye (janvier 1649) et les troupes royales mettent en place un blocus de la capitale. Une paix de compromis est finalement signée à Rueil en mars 1649.
Mazarin, faisant face aux prétentions du prince de Condé et de Grands qui entendent prendre part au gouvernement après l’avoir soutenu lors du siège de Paris, entame un rapprochement avec les anciens frondeurs. Ce renversement d’alliance déclenche la Fronde des princes. L’arrestation des princes de Condé, de Conti et de Longueville, qui projetaient de renverser Mazarin, met le feu aux poudres, provoquant le soulèvement de leur clientèle et par conséquent de provinces. Mazarin est contraint à l’exil et les trois prisonniers sont libérés.
Le prince de Condé fait son retour triomphal à Paris (février 1651) et s’impose à la Cour, à la régente et au jeune roi qu’il tente de soumettre à sa volonté. Pendant quelques mois, Condé apparaît comme le véritable maître de l’Etat. Ses prétentions finissent cependant par le couper de ses anciens alliés, notamment des parlementaires qui ne partageaient avec lui que sa haine de Mazarin. Début août 1651, une alliance est conclue entre la Cour et la vieille Fronde. Dans les jours qui suivent, Anne d’Autriche accuse devant le Parlement Condé de crime de lèse-majesté et d’intelligence avec l’ennemi (il a fait appel aux Espagnols). Condé quitte Paris pour la province, où il soulève ses partisans afin de prendre Paris. Une nouvelle guerre civile éclate : la Fronde condéenne. La rébellion finit par être matée durant l’été 1652. Le roi attend prudemment 1653 pour rappeler officiellement Mazarin à Paris, alors accueilli avec enthousiasme par une population lassée du désordre. Condé se réfugie à Bruxelles et offre ses services au roi d’Espagne.
La fin du ministère de Mazarin
En 1651, le roi est majeur mais encore en formation. Il est sacré à Reims en 1654 et impatient de gouverner, cependant il se sent encore peu expérimenté et s’en remet à Mazarin. En 1659, la guerre contre l’Espagne, prolongation de la guerre de Trente Ans, prend fin avec le traité des Pyrénées : la France y gagne de nombreux territoires comme l’Artois. Aussi, Louis XIV épouse l’espagnole Marie-Thérèse d’Autriche qui renonce à la Couronne d’Espagne (qui lui revenait de droit). En échange de cette renonciation au trône d’Espagne, une dot de 500 000 écus d’or doit être versée au roi, promesse qui ne sera jamais tenue (ce sera une des raisons de la futur guerre de Succession d’Espagne). La mort de Mazarin, en mars 1661, inaugure le règne personnel de Louis XIV.
Bibliographie :
Katia BÉGUIN, Histoire politique de la France. XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2001.
Lucien BÉLY, La France moderne. 1498-1789, Paris, PUF, 2003.
Stéphane HAFFEMAYER, Etat, pouvoirs et contestations. Monarchies française et britannique et leurs colonies américaines, 1640-1780, Paris, Atlande, 2018.