A la suite de l’invasion arabe du VIIe siècle, l’Empire est au bord de l’effondrement. Les conquérants musulmans mettent par deux fois le siège devant Constantinople, en 674 et 717. Dans les Balkans, Byzance est en butte aux attaques permanentes des Slaves et des Bulgares. Malgré une situation catastrophique, l’Empire survit et évolue. La perte des provinces orientales aboutit à une homogénéisation de l’Empire qui devient grec (langue officielle). Les empereurs Léon III et Constantin V, de la dynastie isaurienne, amorcent un début de redressement et de rétablissement sur de nouvelles bases.
Un Empire puissant mais menacé
Les Macédoniens : l’apogée de l’Empire (867-1025)
En 842, à la mort de Théophile, le trône est laissé à un enfant de 5 ans, Michel III. Sa mère Théodora assure la régence mais des rivalités au sein de la Cour affaiblissent la dynastie. Devenu majeur mais incapable de gouverner, Michel III laisse les affaires à son oncle Bardas. Un personnage fortuné, Basile, d’origine arménienne, devient le favori du souverain; Michel III le fait couronner co-empereur en 866 et se débarrasse de son oncle. L’année suivante, Basile, lassé du comportement de Michel III, le fait assassiner et devient l’unique empereur sous le nom de Basile Ier, inaugurant la dynastie macédonienne.
Sous la dynastie macédonienne, Byzance redevient une grande puissance avec une politique offensive. En Italie, l’expansion reprend à partir du sud. Si la Sicile est abandonnée aux Arabes, Bari est reprise en 876 et Tarente en 880. Un thème est créé en 892 au sud de la péninsule, et une alliance très forte se noue avec Venise.
Dans les Balkans, après deux siècles d’affrontements, l’armée byzantine de Basile II (empereur de 976 à 1025) écrase la dernière armée bulgare, dirigée par Samuel, et fait 15 000 prisonniers. L’empereur renvoie les prisonniers à Samuel en les aveuglant tous, sauf un sur cent, afin qu’ils puissent conduire les autres. Basile II obtient le surnom de « tueur de Bulgares » (Bulgaroctone). Le royaume bulgare est définitivement conquis en 1018.
En Orient, la prise d’Amorion en 838 constitue la dernière grande victoire arabe. Les Byzantins repoussent les frontières, en particulier vers le nord. Au Xe siècle, le troupes byzantines descendent sur la haute Mésopotamie, la Cilicie et la Syrie du Nord. En octobre 966, l’armée arrive sous les murs d’Antioche, prise trois ans plus tard. En 975, Jean Tzimiskès arrive à seulement 150km de Jérusalem.
Les nouveaux périls
De nouvelles menaces apparaissent au XIe siècle : à l’Est les Turcs lancent des premiers raids vers 1030-1040 et en Italie du sud les Normands attaquent les territoires byzantins. Les Turcs, sous les Seljukides, occupent l’Iran en 1040 et s’emparent de Bagdad en 1055. Alp Arslan prend Ani en 1065 et Césarée en 1067, provoquant la réaction byzantine. Romain Diogène, brillant chef militaire, lève une armée nombreuse composée de mercenaires et de soldats d’élite byzantins. Le choc a lieu en 1071 à Mantzikert. La trahison d’un général prive l’empereur de la moitié de son armée et entraîne une sévère défaite dont l’Empire aura du mal à se remettre. La même année, Bari, en Italie du sud, tombe aux mains des Normands, signant la fin de la présence byzantine dans la péninsule. En quelques années, l’Empire perd la moitié de sa superficie.
Les Comnènes : un redressement fragile (1081-1185)
La défaite de Mantzikert et la chute de Bari entraînent une décennie de troubles intérieurs dans l’Empire. Une nouvelle dynastie arrive au pouvoir en 1081 : les Comnènes. Son premier représentant, Alexis Ier Comnène, réorganise la défense, rapprochant le système militaire du système féodal occidental. Alexis part combattre les Normands qui ont pris Dyrrachium en 1082 et les rejette hors de Grèce. Les Byzantins renforcent leur alliance avec Venise, cité à laquelle ils accordent le chrysobulle en 1082 (privilèges commerciaux en contrepartie d’une aide militaire). A l’Est, Alexis tente de susciter des divisions à l’intérieur du sultanat seljukide.
Dans les années 1090, Alexis demande des mercenaires à l’Occident, déclenchant la première croisade (1095). L’incompréhension s’installe entre Byzantins et Croisés : la prédication du pape Urbain II et la présence d’ecclésiastiques jusque sur le champ de bataille est mal perçue par les Byzantins. Les contingents militaires traversant l’Empire sont mal tenus. Aussi, les Croisés ne rendent pas les territoires repris aux Turcs à Byzance, se détournant de leur engagement originel. En 1098, les Croisés prennent Antioche, l’année suivante Jérusalem. Des Etats latins sont créés en Orient.
Les successeurs d’Alexis Comnène repoussent les frontières. Manuel Ier soumet en 1172 les Serbes et impose sa suzeraineté à la principauté d’Antioche et au royaume de Jérusalem. En revanche, les Vénitiens voient d’un mauvais oeil la poussée byzantine dans les Balkans et prennent leurs distances. Manuel meurt en 1180 laissant l’Empire à un enfant de 11 ans, Alexis II. Des troubles internes conduisent au couronnement impérial de son cousin Andronic en 1183, et à l’assassinat d’Alexis. Durant cette période d’instabilité politique, la population byzantine de Constantinople massacre (en 1182) les Occidentaux résidant en ville, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, ni les prêtres. Andronic est massacré par la foule trois ans plus tard sur le Bosphore, mettant fin à la dynastie.
En 1189-1190, lors de la troisième croisade, des affrontements directs ont lieu entre les Allemands de Frédéric Barberousse et les Byzantins. Après l’échec de la IIIe croisade, le pape Innocent III lance une nouvelle expédition par voie maritime, cette fois-ci détournée vers Constantinople pour des raisons financières et de rivalités politiques (en particulier l’hostilité grandissante de Venise à l’égard de Byzance). Le 13 avril 1204, la capitale est prise et mise à sac, événement majeur finissant de consommer la rupture entre Chrétiens d’Orient et Chrétiens d’Occident. Des Etats latins sont créés suite à la conquête tandis que l’Empire éclate en 3 principaux territoires : l’Empire de Nicée, l’Empire de Trébizonde et le Despotat d’Epire.
Le sac de la « Nouvelle Rome » porte un coup décisif à l’Empire, qui même après avoir repris la ville, sera incapable de se reconstruire et d’organiser une défense efficace face à la poussée des Turcs.
L’organisation de l’Empire
L’autorité impériale
Le principe dynastique finit par s’imposer dans l’Empire byzantin. Au VIIIe siècle, 4 empereurs de la dynastie isaurienne se succèdent de père en fils. A la fin du VIIIe siècle, l’impératrice Irène, régente de Constantin VI, fait aveugler son fils pour ne pas restituer le pouvoir; elle est renversée en 802. Au IXe siècle se succèdent la dynastie amorienne (813-867) et la dynastie macédonienne (867-1025) malgré de nombreuses usurpations (Romain Lécapène en 913, Nicéphore Phocas de 963 à 969, Jean Tzimiskès de 969 à 976).
Si le principe dynastique s’impose, les procédures d’élection et d’investiture « traditionnelles » sont conservées : proclamation par l’armée (l’empereur est imperator), approbation du Sénat (même si son rôle est devenu fictif), acclamation par le peuple à l’hippodrome de Constantinople (rôle symbolique), couronnement à Sainte-Sophie par le patriarche. Le patriarche est un personnage influent, qui peut jouer un grand rôle en arrière-plan, mais on ne l’a jamais vu refuser de couronner un nouvel empereur. Même lorsque Nicéphore Ier détrône Irène en 802, le patriarche Taraise, installé par Irène, s’empresse de couronner l’usurpateur.
L’empereur (basileus) est le lieutenant de Dieu sur Terre, son pouvoir est de caractère divin. Il a de nombreux pouvoirs en matière religieuse : il nomme le patriarche de Constantinople et contrôle le haut clergé séculier. Néanmoins, si Dieu est libre de son choix, il est aussi libre de révoquer : une usurpation réussie est considérée comme un signe du consentement divin.
Le pouvoir impérial byzantin se distingue aussi par tout un cérémonial entourant l’empereur, codifié dans le Livre des cérémonies de Constantin VII. L’empereur ne parle jamais directement aux visiteurs mais à un intermédiaire. Il reçoit la proskynèse : sujets et visiteurs doivent s’allonger complètement sur le sol puis ont éventuellement le droit de baiser les pieds et les genoux. La salle de réception du Palais sacré, destinée notamment aux ambassadeurs étrangers, est richement décorée et dotée d’une machinerie complexe où lions rugissent, oiseaux chantent tandis que le trône s’élève.
L’administration centrale
Byzance se caractérise par un maintien de l’Etat exceptionnel. L’administration est bien organisée et efficace, le personnel nombreux et très bien formé. A Constantinople, l’administration centrale est organisée en sékréta (bureaux) dirigés chacun par un logothète. Ces bureaux sont de compétences variées (bureau du drome la poste, bureau des finances, bureau de l’armée, etc.). Le chef de l’administration centrale, n’appartenant à aucun bureau particulier, le prôtoasèkrètis, est souvent l’homme de confiance de l’empereur.
Chaque fonction (poste) dans l’administration centrale donne droit à une dignité mais toute dignité ne donne pas une fonction. La dignité est un titre sans aucun pouvoir mais qui donne un statut, inscrit dans une hiérarchie, et un rémunération annuelle, la roga (la fonction en revanche ne donne aucun revenu). A partir de la dignité de prôtospathaire l’on fait partie du Sénat, assemblée ayant perdu tout pouvoir mais représentant un ordre social. Le titre de sénateur est le titre le plus prestigieux.
Les provinces
Au niveau local, le territoire est divisé en thèmes, circonscriptions civiles et militaires, dirigés par un stratège. On compte 29 thèmes au milieu du Xe siècle, 81 au début du XIe. Le système thématique évolue et le stratège perd de l’importance au profit de l’administration civile, notamment le juge (kritès) dont les compétences ne se limitent pas qu’au seul domaine judiciaire.
Au XIe siècle, le thème devient une circonscription purement civile, et le titre de stratège n’est plus qu’une dignité. Les thèmes se révèlent de dimensions insuffisantes en cas d’opérations militaires majeures : les thèmes frontaliers sont regroupés sous l’autorité d’un duc (katépanô) qui cumule fonctions civiles et militaires. On assiste parallèlement à l’accroissement des grandes propriétés et à la montée en puissance de l’aristocratie locale : le système thématique tend à se rapprocher du système féodal occidental, avec des liens d’homme à homme.
La vie économique et sociale
Les changements dans les campagnes
L’Empire est essentiellement rural, la grande majorité des sujets vivent à la campagne et la terre représente une source essentielle de richesse. L’exploitation paysanne est essentiellement familiale et est soumise au principe de l’autarcie, idéal partagé par toutes les couches de la société. L’agriculture byzantine est héritière de la tradition agronomique romaine : le fer est très utilisé pour les instruments de labour à la main et l’araire, la tradition des légumineuses est maintenue. Les rendements obtenus sont de 3 à 3,5 grains récoltés pour 1 semé. L’agriculture souffre cependant d’un ensemble de handicaps : le relief est inadapté, le climat n’est généralement pas favorable (hivers rudes et précipitations insuffisantes), les Byzantins ne pratiquent pas l’irrigation sur de vastes surfaces.
Dès le VIIIe siècle, le poids des impôts tend à s’alourdir, rendant précaire la situation de la petite paysannerie. Certains paysans vendent leurs terres à la recherche de conditions meilleures. A partir de Basile Ier, les empereurs sont conscients de ces problèmes et tentent d’y remédier, sans véritable succès. Les parèques, paysans non propriétaires, détenteurs perpétuels de leur lot, sont de plus en plus nombreux. Ils versent le pakton au propriétaire, n’ont pas le droit de cesser de cultiver la terre mais ne peuvent pas en être chassés. Les grands domaines des puissants s’accroissent grâce à l’afflux des paysans tentés de fuir les tracasseries fiscales.
L’aristocratie byzantine
La vieille aristocratie sénatoriale a pour l’essentiel disparu durant les troubles des VIIe et VIIIe siècles. Au IXe siècle se développe une aristocratie militaire forte provenant du plateau anatolien et détenant la plupart des commandements militaires. A Constantinople, les vieilles familles demeurent néanmoins puissantes. Les liens du sang jouent un rôle croissant : si aucun texte juridique ne confère d’avantages héréditaires aux familles aristocratiques, dans la pratique, les enfants reçoivent généralement dignités et fonctions.
La fortune de l’aristocratie provient essentiellement des revenus de la terre et du service de l’Etat. La meilleure source d’enrichissement provient des dignités, car accompagnées de la roga (rémunération).
Le renouveau des villes
Le renouveau des villes est la conséquence d’une reprise démographique et du retour de la sécurité terrestre et maritime suite aux invasions du VIIIe siècle. Durant la période, Constantinople compte 350 000 à 400 000 habitants. Les empereurs mettent en oeuvre de vastes projets de constructions dans leur capitale dès le Xe siècle grâce à d’importantes ressources fiscales. Les échanges s’accroissent, en particulier à Constantinople en raison de sa position centrale. A partir du Xe siècle se multiplient les mentions de marchands byzantins vers la Russie, l’Egypte ou les ports latins. L’Etat lève un impôt sur les transactions commerciales : le kommerkion, taxe de 10% qui touche toute marchandise, importée, exportée ou échangée à l’intérieur même de l’Empire (exemption pour les Vénitiens avec le chrysobulle de 1082). Le développement économique touche aussi les villes de province tels Thessalonique, Corinthe, Thèbes ou Trébizonde. En Asie mineure, la reconquête d’Antioche, de Mélitène et de Théodosioupolis rend à l’Empire le contrôle des grandes routes caravanières venues d’Asie.
Bibliographie :
Cheynet, Jean-Claude. Byzance. L’Empire romain d’Orient. Armand Colin, 2007.
Ducellier, Alain ; Kaplan, Michel. Byzance. IVe-XVe siècle. Hachette, 2007.