Le christianisme naît dans la première moitié du premier siècle de notre ère en Palestine, entre la Méditerranée à l’Ouest et le fleuve Jourdain à l’Est. La région est alors essentiellement peuplée par les Hébreux, peuple monothéiste qui croit en Yahvé et qui respecte les commandements délivrés à Moïse. La région est occupée depuis 63 avant J.-C. par les Romains, dont la population supporte mal la présence (des troubles et révoltes éclatent régulièrement). Au moment de la naissance de Jésus, le climat est à l’attente d’un Messie, qui sauverait le peuple hébreu, restaurerait la puissance d’Israël et recréerait une nouvelle Alliance avec Dieu.
Jésus de Nazareth et son message
La vie de Jésus
Jésus (mosaïque, vers 250).Jésus naît à Bethléem, en Judée, entre 6 et 3 avant notre ère, sous le règne d’Hérode le Grand, roi nommé par les Romains. Il est le fils de Marie et du charpentier Joseph. Si l’on sait peu de choses sur sa vie, son existence ne fait plus aucun doute chez les historiens. Selon les Evangiles, sa mère a accouché dans une grotte qui faisait office d’étable. Le nouveau-né aurait reçu l’hommage de rois venant d’Orient lui offrir des cadeaux (or, encens, myrrhe). La naissance dans la grotte est symbolique : c’est un lieu privilégié pour les contacts avec l’au-delà dans l’antiquité ; les « Rois mages » expriment la fascination du temps pour l’astrologie mésopotamienne. En revanche, la virginité de la mère est une affirmation plus originale dans le contexte de l’époque.
Jésus est élevé à Nazareth, en Galilée. Comme bien d’autres Juifs, il quitte son village pour s’intégrer à un groupe en recherche de Dieu. Il rejoint les baptistes, qui se distinguent par leur refus de la religion formaliste (dépendant du Temple) et leur exigence de pureté, dont le baptême est le symbole. Jésus se fait baptiser vers l’âge de 30 ans par l’un des leurs, Jean le Baptiste, et découvre sa mission prophétique. A la tête d’un groupe de disciples, il se met à prêcher en milieu urbain et draine les foules (il a la réputation d’accomplir des miracles). Il se déplace beaucoup entre Jérusalem et la Galilée, annonçant l’Evangile (c’est-à-dire la « Bonne nouvelle ») et la venue proche du royaume de Dieu. Son message est d’ordre spirituel et non révolutionnaire : il n’appelle pas à la désobéissance contre l’occupant romain et refuse la grève de l’impôt. Le groupe que constitue peu à peu Jésus est très ouvert, contrairement aux nombreuses autres sectes du temps qui sont plus exclusives. Il attire beaucoup les femmes, qui seront le plus grand soutien du Christianisme naissant. Jésus s’entoure de douze apôtres, l’accompagnant et prêchant avec lui.
La condamnation à mort
Arrivé à Jérusalem peu avant la fête juive de la Pâques, Jésus se heurte aux autorités du Temple pour des paroles sacrilèges : il affirme que Dieu habite le coeur de l’Homme, et non pas le Temple, simple édifice de pierre. Jésus a aussi chassé les marchands de l’esplanade du Temple, perturbant ainsi les sacrifices. L’un de ses disciples, Judas, le livre aux autorités qui le font juger par le tribunal juif, lequel le condamne pour s’être proclamé « fils de Dieu » (blasphème). Cependant, seul le gouverneur romain Ponce Pilate peut prononcer la peine capitale. Au cours du procès romain, les accusateurs mettent en avant le caractère perturbateur et subversif du personnage, les délits religieux n’étant pas reconnus pas la loi romaine. C’est pour un crime de lèse-majesté (Jésus projetterait de devenir « roi des Juifs » selon ses opposants) que Jésus est condamné au supplice de la crucifixion, alors banal à l’époque. Il meurt entre deux brigands, la veille de Pâques, vers l’an 30 ou 33 de notre ère.
L’enseignement de Jésus
Après l’arrestation et la condamnation de Jésus, les apôtres se dispersent par crainte de représailles. Mais trois jours après la mort de Jésus, les disciples trouvent son tombeau vide : c’est cet événement qui marque véritablement la naissance du Christianisme et fonde la foi chrétienne. Jésus est vu ressuscité, tantôt en Galilée, tantôt vers Jérusalem, appelant à témoigner de sa mort, de sa résurrection et à prêcher au monde le Salut pour tous les hommes. Pour les Juifs, la mort par supplice de Jésus est la preuve qu’il est un imposteur (Dieu ne peut pas laisser mourir son propre fils) ; pour les premiers Chrétiens, la résurrection du Christ marque « l’oint de Dieu », la preuve qu’il est le Messie. Jésus se serait sacrifié sur la croix pour sauver les hommes de leurs pêchés.
Le message du Christ est connu par les quatre Evangiles, retenus par l’Eglise : celui de Marc, de Matthieu, de Luc et de Jean. Rédigés entre 64 et 96, ils retracent la vie de Jésus et délivrent son message. L’enseignement du Christ, illustré par des paraboles (petites histoires à connotation morale), est avant tout basé sur l’amour : celui de Dieu et de son prochain. Cette idée est révolutionnaire, personne n’ayant jusqu’alors appelé à aimer ses ennemis. Jésus s’oppose aussi fermement aux discriminations, tous les hommes étant égaux devant Dieu (Saint Paul dira dans son épître aux Galates : « Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ »). Le message est universel : il ne s’adresse pas qu’aux Juifs (ou une communauté particulière) mais à tous les hommes de la Terre.
Saint Paul et la diffusion du Christianisme
Les missions de Paul
Né à Tarse en Asie Mineure vers l’an 10 et élevé à Jérusalem, Paul, un juif, va avoir un rôle capital dans la diffusion du Christianisme. D’abord très hostile aux Chrétiens, il se convertit suite à une vision qu’il aurait eue sur la route de Damas. Dès ce jour, il se confie la mission de porter la « Bonne nouvelle » dans tous les coins de l’Empire. Intellectuel parlant plusieurs langues, il parcourt inlassablement les routes romaines et fonde des communautés chrétiennes en Syrie, en Grèce et en Asie Mineure. Il part pour Rome où il est arrêté et martyrisé vers 64 après J.-C.
Outre ses missions d’évangélisation, Paul devient le champion de l’indépendance du Christianisme vis-à-vis du Judaïsme. Afin de faciliter les conversions, il prône l’abrogation de certains rites juifs (circoncision, viande kasher) pour les païens convertis. La réunion apostolique de Jérusalem en 51, au contraire, oblige les convertis à se soumettre aux mêmes obligations que les Juifs. Quelques années après la mort de Paul, en 70, le Temple de Jérusalem est détruit par l’empereur Titus et les Juifs sont dispersés. Le refus des Chrétiens de soutenir les Juifs finalise le divorce entre les deux communautés religieuses.
Vers l’Eglise « universelle »
A ses débuts, le Christianisme n’est pas une religion véritablement unie, mais une religion divisée en plusieurs courants. En effet, la religion chrétienne se réfère à un homme, Jésus, et à un événement, sa résurrection, mais non à un système théologique. A Jérusalem jusqu’en 34 sont groupés autour d’Etienne les « hellénistes » (appelés ainsi car de culture grecque) : indépendant du collège des Douze Apôtres dirigé par Pierre, ils s’en prennent violemment au Judaïsme. La mort d’Etienne en 34 lors d’une émeute amène leur dispersion. Au contraire jusqu’en 62, les premiers Chrétiens restés attachés au Judaïsme à Jérusalem se tournent vers Jacques.
Au siècle suivant, les déviations se multiplient : certains intellectuels cherchent à concilier foi et philosophie, et vont parfois jusqu’à rejeter la Bible. Les hérésies naissantes sont généralement liées à des héritages culturels différents.
Cette diversité des courants religieux ne doit cependant pas faire oublier que la primauté de l’évêque de Rome (qui ne porte pas encore le titre de pape) est reconnue dès le Ier siècle, Jésus ayant dit à Pierre, (futur) premier évêque de Rome : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Mathieu, 16, 18-19). Est dit catholique celui qui est en communion de foi avec Pierre et ses successeurs.
En réaction à la multitude des interprétations du Christianisme, un canon des textes admis par tous est constitué vers 180. L’encadrement des Chrétiens est renforcé par les premiers évêques (du grec episcopos, « surveillant »), les prêtres (« anciens ») et les diacres (« serviteurs »). Les évêques se réunissent en concile (assemblée) pour débattre des questions de doctrine, de morale ou de discipline ecclésiastique. L’évêque Ignace d’Antioche (né vers 35, mort en 107 ou 113) définit l’Eglise comme « catholique », c’est-à-dire « universelle » (traduction du grec katholicos).
Les premiers chrétiens
Les premières églises sont « domestiques », c’est-à-dire sont des maisons particulières. Ce n’est qu’à partir du IIIe siècle que seront érigés les premiers lieux de culte. L’Eglise est considérée comme le Corps mystique du Christ et la communion fonde son unité. L’entrée dans la communauté est marquée par le rite du baptême, semblable à celui que Jésus a reçu de Jean le Baptiste. Les Chrétiens commémorent la Cène (dernier repas du Christ) lors de l’eucharistie durant lequel ils partagent le pain et le vin. Le dimanche, jour de la résurrection du Christ, devient le jour sacré des Chrétiens, remplaçant peu à peu le samedi des Juifs. Les catacombes, cimetières souterrains dans lesquels les Chrétiens enterrent leurs morts, voient apparaître sur leurs murs des figures symboliques : la croix, le chrisme, le poisson, la colombe, l’agneau ou le bon pasteur ramenant les brebis égarées.
Pour toucher un maximum de païens ou de Juifs, les premiers Chrétiens rédigent des oeuvres littéraires ou consentent à devenir des martyrs. Justin de Naplouse (né entre 100 et 114, mort entre 162 et 168), ancien païen converti au Christianisme, rédige ainsi les Dialogues avec Tryphon le Juif et deux Apologie, inaugurant le genre apologétique qui va s’imposer dans la littérature chrétienne.
Le IIIe siècle est le siècle de l’expansion fulgurante du Christianisme : la religion nouvelle s’étend au Proche-Orient, sur les côtes d’Afrique du Nord, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie, en Espagne, dans une grande partie de la Gaule, et même sur une partie des îles britanniques. Les Chrétiens commencent dès 64, sous Néron, à être persécutés officiellement : ils refusent le culte impérial et désertent les temples et les jeux du cirque. Cette persécution, qui devient systématique au IIIe siècle, renforce les Chrétiens dans leur foi et multiplie les conversions. Ce n’est qu’en 313, sous Constantin, que l’édit de Milan met fin aux persécutions et autorise le culte officiel.
Bibliographie :
Collectif dirigé par Claude Mossé, Une Histoire du monde antique, Paris, Larousse, 2005.